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A la fac de Saint-Denis, un master révèle une génération d’écrivains à succès

Cités, couveuses de talents

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Le point commun entre Anne Pauly et David Lopez, lauréats du Prix du Livre Inter, et Fatima Daas, un des phénomènes de la rentrée littéraire? Tous trois ont « trouvé leur voix » grâce au master de création littéraire de Paris 8-Saint-Denis, devenu un vivier d’auteurs singuliers.

Quand l’écrivaine Olivia Rosenthal a cofondé cette formation unique en son genre, en 2014, le petit monde littéraire parisien oscillait entre « ricanements » et « indifférence un peu condescendante ».

« En France, on a le droit de sortir d’une école pour la musique ou les arts plastiques, mais la littérature a un statut d’exception: on considère que ça ne s’apprend pas. On a le fantasme du talent inné de l’écrivain marginal, seul dans sa chambre, résume-t-elle. A Paris 8, nous n’apprenons pas aux étudiants à écrire, mais à trouver leur voix. C’est un peu de la maïeutique. »

Sans le master de Saint-Denis, « Avant que j’oublie » (Verdier), le premier roman d’Anne Pauly, récit tragi-comique du deuil d’un père « déglingo », n’aurait certainement jamais vu le jour. Ni décroché au printemps dernier le convoité Prix du Livre Inter, avant de coloniser les étals des libraires.

Anne Pauly savait depuis l’âge de 8 ans qu’elle voulait devenir écrivain. Mais elle a attendu près de 40 ans, après une première vie faite de petits boulots et de contrats de secrétaire de rédaction dans la presse, pour candidater à Paris 8, université emblématique de l’effervescence intellectuelle post-68 « où les tourneurs-fraiseurs pouvaient devenir thésards », sourit l’autrice.

Pourquoi si tard? « Une histoire de classe sociale, de capital culturel qu’on a l’impression de ne pas avoir. »

Pendant ces deux ans de master, elle a « expérimenté, dans un cadre bienveillant, avec un truc magique : un public, qui permet à l’angoisse de la page blanche de s’évaporer ».

« Sentiment d’illégitimité »

Fatima Daas, dont le premier roman « La petite dernière » (Editions Noir sur blanc) connaît un important écho médiatique, a elle aussi trouvé à Paris 8 un « cadre », elle qui « arrêtait toujours en cours de route ». « Le master m’a aussi permis d’être au plus près de moi, tout en faisant de la fiction », analyse-t-elle à propos de ce journal d’une jeune fille musulmane et lesbienne de banlieue.

« On est hyper contents. On pensait que la formation allait marcher, mais pas dans ces proportions, et si rapidement », dit Lionel Ruffel, directeur et cofondateur, évoquant les « deux prix Inter en trois ans » et la trentaine de textes publiés.

« Ce qui se passe aujourd’hui est toutefois le fruit d’un long travail en amont: on aurait pu transposer en France le modèle du +creative writing+ américain, né il y a plus d’un siècle, mais ça n’aurait pas été pertinent. Nous sommes allés voir ce qui se faisait en Allemagne, au Royaume Uni ou en Suisse, car nous voulions refonder la discipline en alliant théorie et création, suivi individuel et travail collectif », explique-t-il. Le cursus offre une formation complète sur la littérature et ses métiers (édition, traduction…), associée à un projet d’écriture.

A ses yeux, deux autres éléments jouent un rôle fondamental: l’héritage de Paris 8, « une fac à la pointe, qui a abrité les premiers départements de danse, de psychanalyse ou de cinéma », et son implantation – la très populaire ville de Saint-Denis, en Seine-Saint-Denis.

« Nos promotions reflètent la diversité de la société française, c’est une position politique », revendique-t-il.

Mais parmi les 300 candidats qui briguent chaque année les 25 places disponibles, les enseignants cherchent surtout des « potentiels ».

« Quand je suis arrivé, j’écrivais des choses abominables, mais j’étais désireux, nécessiteux même, d’écrire », se souvient David Lopez. L’explosif « Fief » (Seuil), qui a été en lice pour le Renaudot et le Médicis, est « venu en deuxième année », raconte-t-il.

A Saint-Denis, lui qui « venait d’une culture prolo » et n’écrivait que des couplets de rap s’est débarrassé d' »un sentiment d’illégitimité » et a « appris à envisager l’écriture avec un autre regard ».

« C’est un formidable espace pour parler, pour réfléchir à l’écriture. Maintenant j’ai peur que ça devienne une vitrine où on vient pour être publié », dit-il. Dans sa promotion, la première, « on cherchait l’écriture, pas à être publié ».

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Télévision : C8, c’est fini ! La chaîne perd sa fréquence sur la TNT

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TV : C8, c'est fini ! La chaîne perd sa fréquence sur la TNT
©C8

C’est un tremblement de terre dans le monde de la télévision. C8, candidate à la reconduction de sa fréquence TNT, n’a pas obtenu gain de cause. L’Arcom a en effet décidé de la lui retirer pour 2025, tout comme celle de NRJ12.

La décision de l’Arcom, annoncée mercredi 24 juillet, marque une rupture significative pour C8, qui diffuse notamment l’émission populaire de Cyril Hanouna, TPMP. Cette chaîne, qui a été la plus sanctionnée de la télévision française, ne verra pas sa fréquence TNT renouvelée en 2025. NRJ12, également candidate à la reconduction de sa fréquence, subit le même sort.

En revanche, CNews, une autre chaîne du groupe Canal+ et propriété du milliardaire conservateur Vincent Bolloré, a été sélectionnée pour un renouvellement de sa fréquence. Malgré les nombreux rappels à l’ordre par l’Arcom, CNews conserve sa place sur la TNT.

Les décisions de l’Arcom ont également favorisé de nouveaux projets de chaînes. Le groupe Ouest-France et le milliardaire Daniel Kretinsky ont tous deux vu leurs propositions de chaînes présélectionnées pour des fréquences TNT en 2025. L’Arcom a justifié ses choix en se basant sur « l’intérêt de chaque projet pour le public au regard de l’impératif prioritaire de pluralisme des courants d’expression socio-culturels », selon le communiqué officiel.

Cette annonce marque un tournant pour le paysage audiovisuel français, avec une réorganisation des chaînes disponibles sur la TNT. Les téléspectateurs devront s’adapter à ces changements à partir de 2025, tandis que les groupes médiatiques concernés prépareront leur transition ou leur nouvelle stratégie pour maintenir leur présence sur le petit écran.

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France Inter: Adèle Van Reeth visée par une motion de défiance de la rédaction

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France Inter: Adèle Van Reeth visée par une motion de défiance de la rédaction

La directrice de France Inter, Adèle Van Reeth, est visée par une motion de défiance de la rédaction, au lendemain de l’annonce du remplacement de Yaël Goosz par Patrick Cohen comme éditorialiste politique de la matinale.

« C’est avec consternation et colère que nous avons appris par la presse que la direction de France Inter avait décidé de retirer l’éditorial politique du matin à Yaël Goosz » qui pourtant « a fourni un travail exemplaire, fiable, indépendant », explique ce texte. Yaël Goosz reste chef du service politique de France Inter mais devra laisser sa place à Patrick Cohen – qui avait présenté la matinale de 2010 à 2017 – pour l’édito politique de 07h44.

Dans cette motion, les signataires (80% des 95 journalistes de la rédaction) dénoncent une décision « d’une brutalité inouïe en termes de management ». « Ce n’est pas une motion contre Patrick Cohen », tient à préciser un journaliste signataire qui préfère rester anonyme, mais bien contre « un choix incompréhensible et des méthodes violentes » de la direction, la rédaction ayant selon lui appris la nouvelle « dans la presse » mercredi.

Selon France Inter mercredi, Yaël Goosz doit se voir proposer un autre créneau pour intervenir sur la grille, qui reste à déterminer. Les signataires de la lettre dénoncent « bien d’autres décisions incompréhensibles prises par la directrice de France Inter ces derniers mois » et l’impossibilité à « continuer à lui faire confiance pour diriger cette radio ».

Le licenciement de Guillaume Meurice pour « faute grave », après qu’il a répété à l’antenne ses propos polémiques sur le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, et « l’affaiblissement » puis l’arrêt de son émission à succès « Le grand dimanche soir », font partie de ces désaccords entre rédaction et direction, précise le journaliste sous couvert d’anonymat. Il déplore une « difficulté récurrente (de la direction) à dialoguer, entendre, écouter une rédaction qui fonctionne et qui donne des résultats ».

Jeudi, la direction n’a pas souhaité faire de commentaire. En dépit des turbulences, France Inter a largement conservé son statut de première radio du pays avec 6,85 millions d’auditeurs chaque jour d’avril à juin, selon les chiffres de Médiamétrie publiés mercredi.

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MeToo cinéma: le parquet requiert la mise en examen de Benoît Jacquot pour viols

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MeToo cinéma: le parquet requiert la mise en examen de Benoît Jacquot pour viols

Le mouvement #MeToo continue de secouer le cinéma français. Le parquet de Paris a requis la mise en examen de Benoît Jacquot pour viols et examine les accusations contre Jacques Doillon, marquant une nouvelle étape dans la lutte contre les violences sexuelles.

L’étau judiciaire se resserre dans une enquête-phare du #MeToo français visant deux cinéastes : le parquet de Paris a requis la mise en examen pour viols de Benoît Jacquot et réfléchit aux « suites à donner » aux accusations visant Jacques Doillon.

Les deux hommes, qui réfutent les accusations les visant, étaient en garde à vue depuis lundi à la brigade de protection des mineurs. Après y avoir passé une nouvelle nuit, Benoît Jacquot, 77 ans, est présenté mercredi à un juge d’instruction, qui doit trancher sur sa mise en examen ou non.

Le parquet a indiqué avoir demandé cette mise en examen pour « viol, agression sexuelle et violences, susceptibles d’avoir été commis entre 2013 et 2018 » au préjudice de l’actrice Julia Roy et pour « viol sur mineur par personne ayant autorité, viol par concubin, susceptibles d’avoir été commis entre 1998 et 2000, et en 2007 » au préjudice de l’actrice Isild Le Besco. Le ministère public a aussi requis son placement sous contrôle judiciaire.

L’avocate de Benoît Jacquot, Me Julia Minkowski, n’a pas souhaité commenter à ce stade. Lundi, elle avait déploré des « atteintes incessantes » à la présomption d’innocence de son client.

L’actrice Julia Roy, quarante-deux ans de moins que Benoît Jacquot et qui a joué dans quatre de ses films de 2016 à 2021, a évoqué « un contexte de violences et de contrainte morale qui a duré plusieurs années », dans sa plainte le visant et dénonçant des viols et des agressions sexuelles, selon une source proche du dossier.

La comédienne Isild Le Besco, aujourd’hui âgée de 41 ans, a tourné six films avec Benoît Jacquot qu’elle a rencontré quand elle avait 16 ans et l’accuse de violences sexuelles, psychologiques et physiques. « Je crois que Benoît n’est pas un homme qui souhaite faire du mal sciemment. Je ne le vois pas étrangler une femme par plaisir en pleine conscience, comme d’autres hommes le font. Benoît, c’est autre chose: il a cette volonté de pouvoir absolu, de contrôle », a-t-elle estimé dans un entretien mercredi au magazine Elle.

L’autre mis en cause, Jacques Doillon, a lui vu sa garde à vue levée mardi soir « pour des raisons médicales », a expliqué le parquet de Paris. Le réalisateur et producteur, 80 ans, a été relâché sans poursuites à ce stade, le ministère public devant encore définir « les modalités des suites à donner » le concernant. Son avocate, Me Marie Dosé, n’a pas souhaité réagir.

« Dans les deux procédures, les plaignantes qui ont dénoncé des faits qui ne figurent pas dans la prévention retenue seront contactées personnellement », a souligné le parquet.

L’enquête préliminaire a été déclenchée après la plainte déposée par une autre actrice, Judith Godrèche, contre les deux cinéastes, qui contestent les accusations. Âgée de 52 ans, l’actrice a accusé publiquement début février Benoît Jacquot de viols puis Jacques Doillon d’agression sexuelle, déclenchant une nouvelle tempête dans le cinéma français, jusqu’à ébranler la cérémonie des César ou le Festival de Cannes.

« Nous prenons acte du défèrement de Benoît Jacquot devant un juge d’instruction pour des faits de même nature que ceux commis à l’encontre de Judith Godrèche dont les faits sont, pour ce qui la concerne, prescrits », a réagi le conseil de l’actrice, Me Laure Heinich.

« Ces plaintes sont non prescrites. La période que j’ai dénoncée est prescrite. Mais je me sens entendue à travers cette décision », a abondé Judith Godrèche dans une publication sur Instagram. « Rien ne s’efface. Rien n’est réparé. Que la loi s’empare de celui qui faisait sa loi sur nous », a-t-elle insisté. « J’apprends également que le parquet n’a pas encore pris de décision concernant Jacques Doillon. Toutes ses victimes et moi-même retenons notre souffle. Notre espoir persiste. »

Une commission d’enquête sur les violences sexuelles dans le cinéma, l’audiovisuel, le spectacle vivant, la mode et la publicité a débuté ses travaux en mai, stoppés net après la dissolution le 9 juin de l’Assemblée nationale.

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