Une jeune femme témoigne des violences subies lors d’un tournage pour la plateforme « French Bukkake ». Son récit glaçant met en lumière les dérives d’un secteur souvent opaque.
En octobre 2015, Fanny, alors âgée de 20 ans, accepte de participer à un tournage pour la plateforme pornographique « French Bukkake ». On lui promet des scènes consenties, mais la réalité s’avère bien différente. « J’ai été torturée », confie-t-elle à l’AFP, décrivant des actes de violence extrême qu’elle n’avait jamais imaginés. Elle raconte avoir subi une double pénétration sans son consentement, sans protection, et sans avoir été informée au préalable. « J’ai saigné, j’ai pleuré, j’ai dit non, mais on m’a tenue plus fort », témoigne-t-elle, souhaitant garder l’anonymat.
Fanny insiste sur le fait qu’elle n’était pas une actrice professionnelle. Aucun contrat ne lui a été présenté, et les violences qu’elle a endurées n’étaient pas simulées. « Tout ce qui a été montré à l’écran, je l’ai vécu. Ce n’était pas un rôle », affirme-t-elle. Elle évoque également une forme de déshumanisation, même hors caméra, comme lorsqu’on lui a servi un repas indigne, comparant son traitement à celui réservé à un animal.
Les enquêteurs ont visionné les images du tournage et ont relevé des propos glaçants. L’un des responsables de la plateforme, surnommé « Pascal OP », aurait ordonné de « l’user complètement », tandis qu’une voix masculine répondait : « On va l’achever ». Les gendarmes ont également constaté que Fanny tentait de s’écarter, exprimait sa douleur et semblait au bord du vomissement à plusieurs reprises.
Malgré ces éléments, la justice n’a pas retenu les circonstances aggravantes de torture et d’actes de barbarie dans le dossier. Fanny et 31 autres plaignantes ont déposé un pourvoi en février, espérant que la Cour de cassation réexaminera leur cas. Leur avocat, Me Seydi Ba, envisage même de saisir la Cour européenne des droits de l’homme si nécessaire. « On veut nous faire un procès au rabais », déplore Fanny, qui réclame un véritable procès pour restaurer sa dignité.
L’affaire, qui devrait donner lieu au premier grand procès en France concernant le porno amateur, soulève des questions complexes. Fanny estime que la gêne sociale entourant le sujet rend difficile la prise de conscience collective. « Toutes les classes sociales consomment du porno. Mais ce qui excite la plupart des gens, ce sont souvent des viols », dénonce-t-elle.
Lorsqu’elle a été approchée sur les réseaux sociaux par une prétendue actrice nommée Axelle Vercoutre, Fanny vivait dans une situation précaire, sans ressources pour payer son loyer ou se nourrir. Derrière ce pseudonyme se cachait Julien D., un homme accusé d’avoir recruté des dizaines de femmes pour la plateforme entre 2015 et 2020. Il est aujourd’hui renvoyé en justice pour viols sur 31 femmes, dont Fanny. « J’ai été manipulée. Je n’aurais jamais accepté si j’avais su », confie-t-elle.
Le tournage s’est transformé en cauchemar. Bien qu’elle ait rapidement compris qu’elle avait été trompée, Fanny n’a pas pu partir. « Je ne savais pas où j’étais, je n’avais pas d’argent pour appeler un taxi. J’étais entourée d’hommes… Que m’auraient-ils fait si j’avais essayé de partir ? », s’interroge-t-elle. Quelques jours plus tard, des proches ont reconnu Fanny dans la vidéo, ce qui a déclenché une vague de harcèlement. Elle a perdu son emploi, subi des insultes et même des agressions physiques.
Aujourd’hui âgée de 30 ans et mère d’une petite fille, Fanny vit dans une peur constante. « Je suis en hypervigilance, souvent pétrifiée par ma peur des hommes », confie-t-elle. Son témoignage poignant met en lumière les conséquences dévastatrices de ces violences, tout en appelant à une prise de conscience sur les pratiques du secteur pornographique.