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« Tan Man Neelo Neel » : une série pakistanaise brise le tabou des lynchages pour blasphème

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Au Pakistan, une série télévisée audacieuse ose aborder le sujet sensible des lynchages pour blasphème, un thème longtemps évité par crainte des représailles. Un pas historique pour la liberté d’expression dans un pays marqué par la violence religieuse.

La série « Tan Man Neelo Neel » (« Des bleus au corps et à l’âme »), diffusée par Hum Network Limited, a créé une onde de choc au Pakistan. Pour la première fois, une production télévisée met en lumière les lynchages pour blasphème, un phénomène tragiquement répandu mais rarement évoqué publiquement. Le dernier épisode, particulièrement poignant, montre un jeune couple traqué et tué par une foule en colère après avoir été accusé à tort de profanation.

Sultana Siddiqui, fondatrice de Hum Network et figure emblématique des médias pakistanais, a pris un risque considérable en produisant cette série. « Ce sujet n’a jamais été abordé par peur des représailles », confie-t-elle à l’AFP, les larmes aux yeux. Elle évoque notamment le cas de Machal Khan, un étudiant en journalisme lynché par ses camarades pour des publications supposément blasphématoires sur les réseaux sociaux. « J’ai perdu le sommeil en entendant sa mère raconter que tous ses os avaient été brisés », ajoute-t-elle.

La série, bien que prudente dans son traitement, a suscité un débat national. Elle aborde des thèmes sensibles comme la liberté d’expression, les violences policières et les discriminations, tout en évitant de provoquer directement les extrémistes religieux. Le lynchage n’est montré qu’à la fin, dans une scène stylisée et accompagnée d’une musique couvrant les cris de la foule.

Pour Mohammed Iqbal, père de Machal Khan, cette série est un hommage nécessaire. « Le monde entier parle du blasphème au Pakistan, mais nous, les familles des victimes, nous n’avons jamais pu en parler ouvertement », déclare-t-il.

Malgré son succès, « Tan Man Neelo Neel » reste un pas timide dans un pays où les accusations de blasphème sont souvent utilisées pour régler des comptes personnels. Les forces de l’ordre échouent fréquemment à protéger les accusés, et les lynchages se produisent parfois aux portes des commissariats.

Arafat Mazhar, militant des droits humains, salue cette initiative mais appelle à aller plus loin. « Il ne suffit plus de dénoncer la violence. Il faut remettre en question les structures qui permettent ces lynchages », affirme-t-il.

En brisant ce tabou, « Tan Man Neelo Neel » ouvre une brèche dans le silence qui entoure les violences religieuses au Pakistan. Un premier pas vers une prise de conscience collective, dans un pays où la peur des extrémistes a trop longtemps étouffé la voix des victimes.

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