L’Île de Thau, quartier abandonné qui se dégrade de plus en plus et qui attend toujours son nouveau centre commercial. Jean-Claude Reilles, un habitant du quartier nous raconte cette décadence.
Un canapé abandonné sur un site Natura 2000, voilà l’image parfaite pour décrire l’état de ce quartier aujourd’hui.
En 1969, la ville de Sète entre dans une importante période de transformation. De nombreux projets d’urbanisme sont imaginés dans la ville. Parmi tous ces projets, la création de ce qu’on appelle encore « la Zup du Barrou » est en projet. Ainsi, en 1974, l’ensemble est finit. Le quartier est construit sur la lagune, sur près de 16 hectares. Plus d’un demi-siècle plus tard, la Zup du Barrou se fait désormais appeler l’Île de Thau. Quartier, populaire qui favorise la mixité, situé sur un lieu d’exception. Toutefois, ces dernières années, sur fond de délinquance, de trafics et de violences, la situation s’est tendue.
Le milieu associatif chassé
Depuis 20 ans, de nombreux centres d’aides sociales ont fermé leurs portes. Le poste de police a fermé, le bail de la maison de quartier n’a pas été renouvelé et a donc entraîné sa fermeture, le centre social Gabino, le centre social La Péniche, et même la maison des Jeunes. Ils ont été remplacés par l’espace France Jean-Rigal et une nouvelle MJC (Maison des Jeunes et de la Culture). Toutefois, ces nouvelles structures ne sont pas aussi performantes que les précédentes et malgré les importants investissements financiers faits par la majorité municipale, les jeunes n’affluent pas comme espéré dans ces espaces dédiés.
Jean-Claude Reilles, ancien membre du centre social La Péniche et figure incontournable du quartier, précise : « Depuis que François Commeinhes est au pouvoir, la situation s’est fortement dégradé dans le quartier. Qui a rasé le centre social La Péniche ? C’est lui. On faisait partir les jeunes en mini-camps, on organisait de nombreuses animations. Les jeunes pouvaient aussi bosser sur leurs dossiers personnels. En plus de ça, la maison de quartier, regroupait plus de 620 adhérents et 22 associations avec les parents et les jeunes qui étaient largement acteurs. Les jeunes préparaient leurs skis, vendaient les tickets de tombola… Ils portaient des vrais projets.Malheureusement, tout ça a disparu.Aujourd’hui, c’est devenu la loi de la jungle. Il faut remettre les associations au cœur du quartier. Les jeunes de l’Île de Thau font plus confiance aux gars de terrain. Ces jeunes ont besoin d’un coup de main. »
Mise à distance de la culture
Autre point sur lequel il faut tirer la sonnette d’alarme, la culture. La culture est un moyen pour les jeunes de s’évader du quartier et de voir d’autres choses, de nouvelle perspectives. La fête de la musique en est un exemple. Elle ne s’est pas installée au niveau de l’Île de Thau depuis 4 ans. « La mairie nous a dit que nous pouvions aller devant le bateau de Brassens ou au niveau du théâtre de la Mer ou au niveau du pont-levis. Cela veut dire que depuis que la maison de quartier a fermé, une population de plus de 6 000 habitants n’a plus le droit à la fête de la musique. Auparavant, c’est nous qui l’organisions avec la maison de quartier et nous faisions participer l’ensemble des habitants du quartier. Depuis, on a plus le droit à rien », souligne un habitant du quartier.
Jean-Claude Reilles affirme avoir reçu de nombreuses demandes de la part des habitants du quartier quant à l’organisation d’une fête de la musique au niveau du quartier populaire de l’Île de Thau, mais, il était impossible pour eux d’organiser quoi que ce soit.
Détérioration des infrastructures
Un autre problème au niveau de l’Île de Thau, c’est la qualité des infrastructures au niveau de cette presqu’île. Il n’y a que très peu d’entretien confie Jean-Claude Reilles : « L’entretien de la voirie est inexistant. Les routes sont défoncées. Si on prend l’exemple de l’avenue derrière le Globe, on pourrait croire qu’il y a eu un bombardement. Les passages piétons sont cabossés, il y a des crevasses. C’est vraiment dangereux, pour les enfants, pour les anciens, et même pour les mère de familles qui ont des poussettes. Pour ce qui est des espaces verts, les jardiniers et les agents de nettoyage font le nécessaire et du mieux qu’ils peuvent. On ne peut certainement pas les blâmer eux. »
Avant d’ajouter : « Prenons l’exemple du centre commercial. L’ancien centre commercial encore en place est dans un été pitoyable. Depuis quelque temps, on nous promet la construction d’un nouveau centre commercial. La pose de la première pierre devait être réalisée fin mai 2021 afin que le centre commercial soit livré courant 2022. On est presque en juillet 2021 et pour l’instant, absolument rien n’a été fait. Un centre commercial, c’est une chose essentielle dans la vie d’un quartier, c’est un lieu de rencontre, un lieu indispensable. »
Réunifier le quartier
Jean-Claude Reilles, figure incontournable du quartier explique : « Il y a un communautarisme qui s’est installé, certainement involontairement par les familles. Mais c’est aussi la mairie qui est à l’origine de ce manque d’émulation. Une salle pour la communauté maghrébine, une pour la communauté gitane… Ce communautarisme représente un véritable danger pour que l’unité du quartier prospère. Il n’y a plus rien sur le quartier. Avant, tout le monde se mélangeait et partageait, ce n’est plus le cas de nos jours. Il y a un manque criant de mixité sociale. »
Cet ancien entraîneur dans un club de boxe affirme ressentir un véritable changement de mentalité dans le quartier. « La mentalité sur le quartier n’est vraiment pas bonne. Il n’y a plus cette solidarité comme il y avait avant. Je pense que certes, c’est quelque chose que l’on retrouve à l’échelle nationale, mais moi, je n’ai jamais connu ça. Il y a des rivalités au sein même de l’Île de Thau. La population en a vraiment ras-le-bol de cette violence permanente. En effet, ça m’inquiète puisque ça fait perdre l’âme du quartier et le quartier est de moins en moins solidaire », souligne-t-il.
Diminution des aides sociales
En plus de l’ensemble des décisions qui ont été prises au niveau du quartier, la municipalité avait annoncé baisser de près d’un million d’euros la subvention allouée au CCAS. Créés en 1953, les Centres Communaux d’Action Sociale (CCAS) sont chargés de l’aide sociale des communes. Ce sont les anciens – Bureaux d’aide Sociale – qui sont au contact des plus précaires et des plus pauvres. La subvention qui l’an dernier était de 6 729 736 € avait reçu une rallonge de 450.000 € juste avant les élections municipales portant la subvention du CCAS en 2020 à 7 179 736 €. Néanmoins, elle a vu sa subvention lourdement chuter en début d’année 2021.
En effet, les élections municipales passées la majorité a ramené la subvention du CCAS à 6 296 850 € soit une baisse de presque 1M €. Au niveau du quartier de l’Île de Thau, près de six habitants sur dix vivent sous le seuil de pauvreté et un habitant sur trois vit avec un revenu composé à 100 % des prestations sociales. Le quartier se classe ainsi parmi les dix quartiers d’Occitanie où la pauvreté est la plus importante.
Infrastructures, culture, aide sociale, milieu associatif, tout est éloigné de l’Île de Thau et de ses habitants. La crise sanitaire n’a certainement fait qu’accentuer, les difficultés que connaissent les habitants du quartier. Peut-être serait-il temps de reprendre en main ce quartier et de tendre la main à ses habitants ?