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Pauvreté: une « victoire » chinoise au bout de la route

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Son village est désormais relié au reste de la Chine par une « Route de réduction de la pauvreté ». Et dans son exploitation où poussent des orangers, Liu Qingyou exhibe le carnet dans lequel l’Etat détaille comment il a tiré de la misère l’agriculteur et sa famille.

A la date prévue, à la toute fin de l’an dernier, le régime de Xi Jinping a officiellement éradiqué « la pauvreté absolue » en Chine. Depuis l’arrivée au pouvoir du président chinois en 2012, 100 millions de ruraux sont sortis de cette catégorie, « une grande victoire », selon M. Xi.

Constat des dirigeants chinois à l’époque: la croissance économique phénoménale qui a transformé le pays depuis 40 ans ne suffit pas à hisser tout le monde hors de l’eau.

Si les régions côtières, ouvertes au commerce international, se sont rapidement modernisées, les campagnes de l’intérieur ont souvent raté le train de la croissance.

A Yingfeng, dans la province du Hunan (centre), où vit Liu Qingyou, 66 ans, la ville la plus proche est à plus de deux heures de route et les petites maisons paysannes semblent à des années-lumière des imposants gratte-ciel de Shanghai ou Pékin.

Dans son carnet, on peut lire les causes des difficultés du foyer: « maladie » et « éducation ». Puis est détaillée l’aide apportée par les autorités: « subvention pour l’achat de céréales » et « aide au remplacement d’orangers à faible rendement ».

La famille du cultivateur est officiellement entrée dans la catégorie « pauvre » en 2014, lorsqu’une politique d’aide ciblée a été mise en place et que des fonctionnaires ont fait du porte-à-porte pour évaluer la situation des ménages.

Au même moment, des grands travaux étaient engagés dans les campagnes du nord au sud du pays. Ici, en l’occurrence, une route qui coupe à travers les vertes collines du Hunan et permet à Liu Qingyou de mettre deux fois moins de temps pour transporter ses oranges jusqu’aux marchés de la région.

Oranges invendues

En 2018, la famille Liu passait officiellement au-dessus du seuil de pauvreté fixé par le pouvoir à 2,30 dollars par jour – dans un pays où le revenu disponible moyen s’élevait à 6,8 dollars en 2019 dans les campagnes (les citadins gagnent en moyenne 2,64 yuans quand les ruraux en touchent 1).

Mais le foyer de cinq personnes de M. Liu est encore loin de la sécurité économique, comme le montrent les dizaines de caisses remplies d’oranges invendues qui s’entassent dans sa remise.

Les autorités locales ont insisté pour remplacer les vieux arbres de son verger et convertir une partie de la superficie en théiers, une production plus rentable. Mais ces plantations sont encore loin d’être à plein rendement… et le chiffre d’affaires de l’exploitant a plongé.

« Avant qu’on coupe les arbres, on gagnait entre 20.000 et 30.000 yuans (2.600 à 3.800 euros) par an », affirme l’agriculteur, dont le revenu atteint désormais seulement quelques milliers de yuans.

« On arrive à s’en sortir », dit-il. Mais la maison en bois, où M. Liu vit modestement, ne le protège pas du froid, alors que le mercure tombe sous zéro les nuits d’hiver.

Le sexagénaire aimerait obtenir ce qu’ont eu certains de ses voisins: un relogement ou de l’argent pour se construire une maison en briques. « Pourquoi on n’y a pas eu droit? »

La lutte contre la pauvreté a soulevé des questions quant aux critères de sélection suivis pour la distribution des subventions, sans parler des accusations de favoritisme.

Dans l’ensemble du pays, des centaines de milliers d’affaires de corruption ont été liées à ce projet.

Question de légitimité

A l’approche de la date butoir de fin 2020, alors que le Parti communiste chinois (PCC) va fêter son centenaire en 2021, le régime a multiplié les initiatives pour repérer les ménages dans le besoin, distribuer les subventions et achever les grands travaux.

En jeu: la légitimité d’un Etat fondé sur l’égalitarisme socialiste mais qui détient le record du monde du nombre de milliardaires en dollars.

Les inégalités sociales ne suscitaient guère de controverses dans les premières décennies de la Chine communiste, lorsque l’ensemble de la population vivait chichement dans un système collectiviste.

Mais les réformes économiques ont vu l’émergence de grandes fortunes, le dirigeant de l’époque, Deng Xiaoping, jugeant « normal » en 1984 que certains s’enrichissent avant les autres.

Pour rectifier le tir, les autorités ont cherché à développer l’urbanisation à marche forcée dans les régions rurales, installant les villageois dans des tours où ils disposent de l’électricité et de l’eau courante mais ont perdu leurs repères et parfois leur gagne-pain.

Maison neuve

Au Hunan, province natale de Mao Tsé-toung, le fondateur du régime, le manque d’argent a ralenti la construction de la route de 63 km qui conduit au village de la famille Liu. Les travaux n’ont été achevés qu’après un reportage de la télévision nationale qui a mis la pression sur les autorités locales.

Xiang Xiuli, exploitante de 53 ans, assure que son chiffre d’affaires a doublé depuis que le transport est facilité et qu’elle peut plus aisément vendre ses oranges en ville. « Nos enfants peuvent aller dans de meilleures écoles à présent », ajoute-t-elle.

Pour aider leurs parents, nombre d’enfants, les filles particulièrement, sont traditionnellement privés d’école en Chine et travaillent la terre.

Beaucoup aussi ont été laissés au village, à la garde de leurs grands-parents, par des parents partis travailler en ville dans ce pays aux quelque 290 millions de travailleurs migrants internes.

Dans le Hunan, les données officielles assurent que le revenu par tête des foyers pauvres a quintuplé en cinq ans pour atteindre 12.200 yuans (1.500 euros).

Mi Jiazhi, par exemple, cultivateur d’oranges de 71 ans, dont la femme s’occupe des petits-enfants dans un autre village, s’apprête à emménager dans une maison neuve, plus grande, qu’il s’est payé lui-même avec l’aide de ses enfants.

« J’arrive à gagner 30.000 à 40.000 yuans » (3.800 à 5.100 euros) par an, assure-t-il, « les choses vont bien maintenant ».

Retour en arrière?

Reste à savoir si l’éradication de la pauvreté sera durable.

Avec l’élévation générale du niveau de vie, le seuil de pauvreté grimpe aussi et des citadins risquent mathématiquement de se retrouver sous la ligne de flottaison, avertit Martin Raiser, directeur Chine de la Banque mondiale.

Un responsable des services de lutte contre la pauvreté, Ou Qingping, a déclaré en décembre que les allocataires de subventions n’avaient plus guère de moyens d’augmenter encore leurs revenus.

« Lorsque la politique de lutte contre la pauvreté sera suspendue, ils risquent de retomber », a-t-il averti.

Sur la seule année 2020, le gouvernement central a consacré 146,1 milliards de yuans (18,7 mds d’euros) à la lutte contre la pauvreté. Mais ce chiffre n’est qu’une partie des sommes totales mobilisées par les provinces et les communes.

Pour financer ces investissements, les collectivités locales ont dû s’endetter et la facture est salée: au moins 800 milliards d’euros à rembourser sur cinq ans.

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Trump, de retour à la Maison Blanche : un second mandat sous haute tension

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Trump, de retour à la Maison Blanche : un second mandat sous haute tension

L’investiture de Donald Trump pour un second mandat se déroule dans un climat de résignation et de tensions, marqué par des promesses de changements radicaux et une sécurité renforcée.

Le 45ème président des États-Unis, Donald Trump, prête serment ce lundi pour entamer son second mandat, succédant ainsi à Joe Biden. À 78 ans, il devient le chef d’État américain le plus âgé jamais investi. La cérémonie, initialement prévue à l’extérieur, a été déplacée à l’intérieur en raison d’une vague de froid. Sur la Bible de sa mère, Trump jurera de protéger la Constitution sous la coupole du Capitole, lieu symbolique où ses partisans avaient tenté de renverser le processus démocratique le 6 janvier 2021.

La réélection de Trump, malgré les controverses et les condamnations, témoigne d’un soutien persistant de sa base électorale. Il promet une action rapide et vigoureuse pour inverser ce qu’il perçoit comme le déclin de l’Amérique. Dès son premier jour, il prévoit de signer plusieurs décrets, notamment pour limiter l’immigration clandestine, réduire les protections environnementales, et favoriser l’extraction de pétrole. Sa rhétorique, souvent virulente, et ses promesses de « vengeance » contre ses adversaires politiques, de « redresser » la presse, et de mettre fin au conflit en Ukraine, annoncent un mandat tumultueux.

Trump ne cache pas son intention de s’attaquer à ce qu’il appelle la « folie transgenre » et les programmes éducatifs sur le racisme, soulignant une volonté de remodeler le tissu social américain. Il envisage également d’accorder des grâces aux assaillants du Capitole, un geste qui pourrait diviser l’opinion publique et attiser les tensions. Sa proximité avec des figures de l’extrême droite et sa promesse de réduire la dépense publique avec l’aide d’Elon Musk montrent une orientation politique marquée à droite.

Le dispositif de sécurité est exceptionnel, avec 25.000 policiers déployés et des barrières s’étendant sur 48 kilomètres, suite à deux tentatives d’assassinat contre Trump durant l’été. Cette investiture se déroule dans une atmosphère de résignation, sans les grandes manifestations de joie ou de colère qui avaient marqué sa première élection. Les alliés des États-Unis s’efforcent de faire bonne figure, malgré les déclarations provocantes de Trump, comme celle d’annexer le Canada.

Après une cérémonie religieuse, Trump sera reçu par Joe Biden, marquant la fin d’un demi-siècle de carrière politique pour ce dernier dans une humiliation globale. L’ancien promoteur immobilier, ayant la majorité au Congrès et une Cour suprême à droite, entame ce mandat avec une emprise renforcée sur son parti. Cependant, il doit aussi accepter que ce sera son dernier mandat, sauf à défier les limites constitutionnelles.

Ce second mandat de Donald Trump, sous haute tension et promesse de changements radicaux, ouvre une ère où l’Amérique devra naviguer entre les aspirations de son leader et les réalités d’un monde en constante évolution.

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Trois otages libérées par le Hamas arrivées en Israël au premier jour de trêve à Gaza

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Trois otages libérées par le Hamas arrivées en Israël au premier jour de trêve à Gaza

La trêve à Gaza a marqué un tournant significatif avec la libération de trois otages israéliennes, suscitant un regain d’espoir pour la paix.

Après plus de quinze mois de conflit dévastateur dans la bande de Gaza, une trêve tant attendue a été instaurée, coïncidant avec la libération de trois otages israéliennes par le Hamas. Ce moment historique a été célébré à la fois par les populations locales et par la communauté internationale, malgré les tensions persistantes et les promesses de reprise des hostilités si nécessaire.

La cessation des hostilités, initialement prévue pour entrer en vigueur à l’aube, a finalement débuté avec un retard de près de trois heures, dû à des complications dans la fourniture des listes d’otages par le Hamas. Les trois femmes libérées, Emily Damari, Doron Steinbrecher et Romi Gonen, ont été remises au Comité international de la Croix-Rouge (CICR) avant de traverser la frontière pour rejoindre Israël. Leur retour, après une longue captivité, a été salué par une foule émue à Tel-Aviv, où des pancartes et des bougies illuminaient la nuit, symbolisant l’espoir et la solidarité.

L’accord de trêve, médiatisé par le Qatar, les États-Unis et l’Égypte, vise à établir une paix durable, bien que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu ait souligné que ce cessez-le-feu était provisoire. Cette trêve prévoit également l’augmentation de l’aide humanitaire dans une région affligée par la famine, avec l’entrée de 600 camions d’aide par jour, selon les termes égyptiens de l’accord. La première phase de six semaines est cruciale, non seulement pour la libération des otages, mais aussi pour des négociations sur le retrait israélien des zones densément peuplées de Gaza et pour la préparation des étapes suivantes qui incluent la reconstruction et la restitution des corps des otages décédés.

Malgré les célébrations, l’ombre de la guerre plane encore. Le Hamas a conditionné la trêve au respect des engagements israéliens, tandis que Netanyahu a maintenu que la guerre pourrait reprendre si les circonstances l’exigeaient. Cette situation reflète la complexité du conflit, où chaque avancée vers la paix est entachée par la menace persistante de la violence.

La libération des otages et l’instauration de la trêve représentent un pas significatif vers la résolution d’un conflit qui a causé des milliers de morts et des destructions massives. Cependant, la route vers une paix durable reste semée d’embûches, avec des défis politiques et sécuritaires à relever pour garantir que ce moment de répit ne soit pas éphémère.

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Etats-Unis : Le réseau social TikTok est officiellement inaccessible, Donald Trump envisage de suspendre la loi l’interdisant

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Etats-Unis : Le réseau social TikTok est officiellement inaccessible, Donald Trump envisage de suspendre la loi l'interdisant

Le président élu Donald Trump envisage de suspendre la loi interdisant TikTok aux États-Unis, proposant un contrôle partagé entre investisseurs américains et chinois.

Le paysage numérique américain a été secoué par la décision de Donald Trump de suspendre l’application de la loi interdisant TikTok dès lundi, offrant ainsi une bouée de sauvetage à ByteDance, la maison mère chinoise de l’application. Cette annonce, faite le dimanche précédant son investiture, vise à permettre à TikTok de continuer à opérer sous certaines conditions.

Donald Trump propose une solution hybride : un partenariat où les investisseurs américains détiendraient 50% du contrôle de TikTok, ce qui pourrait apaiser les craintes de sécurité nationale exprimées par le Congrès. Cette proposition intervient après que la Cour suprême a refusé de suspendre la loi votée en 2024, qui a pris effet le dimanche, rendant TikTok inaccessible aux plus de 170 millions d’utilisateurs américains.

La suspension de la loi offre une fenêtre de 90 jours pour trouver un acheteur ou une solution alternative à l’interdiction. ByteDance, jusqu’à présent réticent à vendre TikTok, pourrait ainsi envisager un partenariat plutôt qu’une cession complète. Trump a également encouragé les fournisseurs d’internet et les boutiques d’applications à rétablir l’accès à TikTok, promettant une protection rétroactive contre les sanctions prévues par la loi.

L’application, connue pour son algorithme efficace de recommandation de contenu, a vu ses utilisateurs se tourner vers d’autres plateformes ou utiliser des VPN pour continuer à y accéder. Le vent a tourné en faveur de TikTok ces derniers jours, avec un consensus politique se dessinant pour préserver l’application, malgré les préoccupations initiales sur la sécurité des données.

Des offres de rachat ont été faites, notamment par l’homme d’affaires Frank McCourt, qui propose 20 milliards de dollars pour les activités américaines de TikTok, excluant toutefois l’algorithme. De son côté, la start-up Perplexity AI a proposé une fusion valorisant TikTok à au moins 50 milliards de dollars. Ces propositions montrent un intérêt soutenu pour l’application, malgré les contraintes réglementaires.

La situation actuelle illustre la complexité des relations technologiques entre les États-Unis et la Chine, où les enjeux de sécurité nationale se mêlent aux intérêts économiques et à la liberté d’expression des utilisateurs. La décision de Trump pourrait redéfinir le cadre juridique et économique des applications de réseaux sociaux à l’échelle mondiale, tout en ouvrant la voie à une collaboration sino-américaine inédite dans le domaine numérique.

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