Des dizaines de milliers de manifestants défilent pour défendre l’opposant Ekrem Imamoglu, arrêté pour des accusations qualifiées de « politiques ». La tension monte dans les rues d’Istanbul et au-delà.
Pour la quatrième nuit consécutive, les rues d’Istanbul ont été le théâtre d’une mobilisation massive en soutien à Ekrem Imamoglu, le maire de la ville arrêté pour des accusations de « corruption » et de « soutien au terrorisme ». Des dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées devant l’hôtel de ville, brandissant des drapeaux et des pancartes dénonçant ce qu’ils considèrent comme une manœuvre politique du gouvernement. Les slogans « Les dictateurs sont des lâches ! » et « L’AKP ne nous fera pas taire ! » ont résonné dans les rues, tandis que les manifestants exprimaient leur colère face à ce qu’ils perçoivent comme une attaque contre la démocratie.
Le maire, âgé de 53 ans, a été conduit au palais de justice de Caglayan sous haute sécurité, escorté par des dizaines de fourgons anti-émeutes et un imposant dispositif policier. Selon ses avocats, l’audition concernant les accusations de « terrorisme » est terminée, mais une autre procédure est en cours. Malgré les restrictions d’accès imposées par les autorités, plus d’un millier de personnes se sont rassemblées aux abords du tribunal, déterminées à soutenir l’édile. « Nous ne sommes pas là seulement pour Imamoglu, mais pour défendre nos droits », a déclaré Elif Cakir, un étudiant de 18 ans. « La Constitution nous garantit le droit de manifester, mais on nous l’interdit. »
La situation s’est intensifiée en fin de soirée lorsque les forces de l’ordre ont commencé à disperser les manifestants à l’aide de gaz lacrymogènes et de grenades assourdissantes. Des affrontements ont éclaté entre jeunes protestataires et policiers, tandis que des scènes similaires se déroulaient à Ankara et à Izmir, où des étudiants ont été empêchés de marcher sur les locaux du parti AKP au pouvoir. Le président Erdogan, s’exprimant devant des membres de son parti, a accusé l’opposition de chercher à « perturber la paix de la nation et diviser le peuple ».
Malgré la répression, la détermination des manifestants reste intacte. Özgür Özel, président du parti CHP dont est issu Imamoglu, a affirmé que plus d’un demi-million de personnes étaient présentes devant l’hôtel de ville. « Ce soir, l’Histoire s’écrit ici, à Istanbul », a-t-il lancé, appelant les forces de l’ordre à ne pas s’opposer à la volonté du peuple. Les accusations portées contre Imamoglu pourraient entraîner son incarcération et son remplacement par un administrateur nommé par l’État, une perspective qui alimente la colère des opposants.
La contestation s’est étendue à travers le pays, avec des rassemblements signalés dans plus de 55 des 81 provinces turques. Le gouvernorat d’Istanbul a prolongé l’interdiction des rassemblements jusqu’au 26 mars et imposé de nouvelles restrictions pour limiter l’afflux de manifestants. Malgré ces mesures, les Turcs continuent de descendre dans la rue, déterminés à défendre leurs droits. « Si les gens ne lâchent rien, ça débouchera peut-être sur quelque chose de positif », a déclaré Ara Yildirim, un étudiant en médecine de 20 ans.
Ekrem Imamoglu, qui a ravi Istanbul au parti AKP en 2019, est devenu une figure emblématique de l’opposition. Réélu triomphalement l’an dernier, il devait être désigné candidat de son parti à la présidentielle de 2028. Malgré les événements, le CHP a décidé de maintenir cette primaire, appelant tous les Turcs, même non inscrits au parti, à y participer. La mobilisation en cours témoigne d’une détermination sans faille à défendre la démocratie face à ce que beaucoup considèrent comme une dérive autoritaire.