Un procès emblématique s’ouvrira bientôt pour juger neuf CRS poursuivis pour violences volontaires sur des manifestants lors de la mobilisation des « gilets jaunes » en décembre 2018. Un dossier sensible qui met en lumière l’usage de la force lors de cette journée de chaos à Paris.
Neuf membres de la CRS 43, basés à Chalon-sur-Saône, comparaîtront prochainement devant le tribunal correctionnel pour avoir frappé des manifestants réfugiés dans un Burger King lors de l’ »acte III » du mouvement des « gilets jaunes ». Ces agents, âgés de 30 à 52 ans, sont poursuivis pour violences aggravées et risquent jusqu’à sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende.
L’affaire remonte au 1er décembre 2018, une journée marquée par des affrontements violents entre forces de l’ordre et manifestants. Alors que Paris connaissait d’importants débordements, avec des dégradations à l’Arc de Triomphe et des blessures graves causées par des tirs de LBD, la CRS 43 avait été mobilisée pour disperser les casseurs et protéger les commerces du quartier de l’avenue de Wagram. Dans ce contexte de tension extrême, plusieurs manifestants, cherchant refuge dans un fast-food, ont été pris pour cible par les policiers.
L’instruction a révélé que ces individus ne représentaient pas une menace immédiate. Certains, en détresse après l’inhalation massive de gaz lacrymogène, s’étaient simplement réfugiés à l’intérieur pour se rincer les yeux et retrouver leur souffle. Pourtant, dès leur entrée dans le restaurant, les CRS ont exercé des violences brutales sans sommation, une scène largement documentée par des images de journalistes et des caméras de surveillance.
Si la responsabilité des policiers engagés dans l’intervention est directement mise en cause, la hiérarchie policière, elle, échappe aux poursuites. Malgré les contestations de certains responsables, dont un commandant de compagnie qui avait dénoncé des ordres « fluctuants et dangereux » venus de la Préfecture de police, la juge d’instruction a considéré que la chaîne de commandement n’avait pas explicitement ordonné ces violences. Une décision qui suscite des frustrations parmi les parties civiles, dont plusieurs dénoncent une impunité persistante des donneurs d’ordre.
Cinq victimes se sont constituées parties civiles dans cette affaire, mais de nombreux manifestants agressés n’ont pas été identifiés. Pour leurs avocats, ce procès sera un moment clé pour obtenir des réponses et mettre en lumière les abus dont ont été victimes les « gilets jaunes ». Me Arié Alimi, représentant deux manifestants, estime qu’il s’agit d’ »un procès majeur » pour rappeler la brutalité de la répression. De son côté, Me Emmanuel Daoud, avocat d’un journaliste blessé, pointe du doigt la « défaillance complète » de la hiérarchie policière dans cette affaire.
Ce procès, au-delà du sort des neuf CRS concernés, pose à nouveau la question des limites du maintien de l’ordre et du recours à la violence dans la gestion des manifestations.