Condamnée en 2023 pour manquement à ses obligations, La Poste attend désormais la décision de la cour d’appel de Paris. Une affaire qui pourrait faire jurisprudence dans l’application de la loi sur le devoir de vigilance.
Le groupe postal français, assigné en justice par le syndicat Sud PTT en 2021, avait été partiellement condamné en 2023 pour non-respect de la loi sur le devoir de vigilance. Cette législation, adoptée en 2017, impose aux grandes entreprises de publier un plan détaillé identifiant les risques humains et environnementaux liés à leurs activités, y compris ceux de leurs filiales, fournisseurs et sous-traitants. Le tribunal judiciaire de Paris avait alors exigé que La Poste complète son plan par une cartographie des risques, jugée trop imprécise.
Lors de l’audience en appel, les avocats de La Poste ont défendu l’approche générale du plan, arguant que le législateur avait volontairement laissé une marge de manœuvre aux entreprises pour s’adapter à leurs spécificités. Bernard Cazeneuve, ancien Premier ministre et représentant du groupe, a insisté sur la nécessité de ne pas rendre la loi inapplicable en exigeant un niveau de détail excessif. Ophélia Claude, également avocate de La Poste, a souligné les difficultés pratiques pour un groupe employant 233.000 personnes, dont 54.000 à l’étranger, de prendre en compte chaque situation particulière.
En face, Céline Gagey, avocate de Sud PTT, a rappelé que la cartographie des risques constitue le fondement même du devoir de vigilance. Elle a critiqué le caractère trop vague du plan actuel, qui ne permettrait pas d’identifier concrètement les dangers. L’affaire a également mis en lumière le tragique décès de Seydou Bagaga, un travailleur non déclaré d’un sous-traitant de La Poste, mort noyé en tentant de récupérer un colis dans la Seine. Cet incident avait déjà valu à La Poste une condamnation en 2020 pour prêt illicite de main-d’œuvre.
Cette affaire s’inscrit dans un contexte où de plus en plus de multinationales, comme TotalEnergies, BNP Paribas ou Casino, sont confrontées à des critiques concernant leur respect du devoir de vigilance. Toutefois, La Poste reste la première entreprise à avoir été condamnée sur ce fondement, faisant de cette décision un précédent juridique majeur. Le verdict du 17 juin sera donc scruté avec attention, tant par les acteurs économiques que par les défenseurs des droits sociaux et environnementaux.