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La Grande mosquée de Paris prise dans la brouille diplomatique franco-algérienne

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La Grande Mosquée de Paris, otage des tensions franco-algériennes

Entre accusations politiques et enjeux diplomatiques, l’institution religieuse traverse une crise sans précédent.

La Grande Mosquée de Paris se retrouve au cœur des tensions diplomatiques entre la France et l’Algérie, subissant les contrecoups d’une relation bilatérale dégradée. Alors qu’elle organise ce mardi son traditionnel « iftar des ambassadeurs », un événement marquant du ramadan, l’institution doit faire face à une série de critiques et de défis inédits. Le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, est attendu à cette cérémonie, mais l’absence notable de Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, souligne les fractures politiques actuelles.

Cette année, la Grande Mosquée est privée d’un soutien habituel : les 80 imams algériens qui venaient chaque année en renfort pendant le ramadan ne sont pas arrivés. Selon une source gouvernementale, les autorités algériennes n’ont pas sollicité de visas pour ces religieux, un signe supplémentaire de la détérioration des relations entre les deux pays. Pour Chems-eddine Hafiz, recteur de la mosquée, cette situation est « compliquée », d’autant que l’institution est régulièrement critiquée pour ses liens supposés avec l’Algérie.

En janvier, la mosquée a été accusée de participer à un système monopolistique de certification halal, en collaboration avec les autorités algériennes. Ces accusations ont ravivé les débats sur l’indépendance de l’institution. Xavier Driencourt, ancien ambassadeur de France en Algérie, a même invité M. Hafiz à se concentrer sur les questions religieuses plutôt que politiques, l’accusant implicitement de servir les intérêts algériens. Le recteur a fermement démenti ces allégations, affirmant que la mosquée joue un rôle de « passerelle vertueuse » entre les deux nations.

Fondée en 1926, la Grande Mosquée de Paris bénéficie depuis les années 1980 d’un financement annuel de l’État algérien, estimé à environ 2 millions d’euros. Cette dépendance financière alimente les critiques, notamment après le refus du recteur de participer à une manifestation contre l’antisémitisme en novembre 2023. Ce choix a été perçu comme un signe de distanciation vis-à-vis des valeurs républicaines, ce qui a terni l’image de l’institution.

La crise diplomatique entre Paris et Alger, exacerbée par la reconnaissance française de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental en juillet 2024, a également des répercussions sur la mosquée. L’arrestation de l’écrivain Boualem Sansal en Algérie en novembre 2024 a mis en lumière les silences de M. Hafiz, qui n’a pas appelé à sa libération. Pour certains observateurs, cette attitude reflète les « ambiguïtés » de l’institution, prise entre son rôle religieux et les pressions politiques.

En parallèle, les tensions migratoires entre les deux pays s’intensifient. Bruno Retailleau a menacé de démissionner si la France cédait sur l’expulsion des Algériens en situation irrégulière. Dans ce contexte, M. Hafiz a dénoncé les « faiseurs de peurs » qui alimentent, selon lui, une stigmatisation permanente de l’immigration algérienne en France.

Ainsi, la Grande Mosquée de Paris, autrefois considérée comme un modèle d’intégration et de dialogue, se retrouve aujourd’hui en première ligne d’une crise complexe, où religion, politique et diplomatie s’entremêlent.

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