À Jakarta, un collectif de DJ ressuscite l’esprit des années 90. Entre mélodies britanniques et culture footballistique, une génération trouve son échappatoire.
Dans un quartier industriel de la capitale indonésienne, l’énergie des années 1990 renaît sous les platines. Le collectif Weekenders Service Crew électrise les nuits jakartanaises avec des tubes cultes d’Oasis, Blur ou encore des Smiths. Des centaines de jeunes, certains arborant hijabs et baskets vintage, se laissent emporter par cette vague nostalgique venue d’outre-Manche.
Fondé par Abraham Vieniel et Bimo Nugroho, ce mouvement musical dépasse le simple divertissement. Il incarne un style de vie où se mêlent passion pour le foot, mode rétro et références pop anglaises. Les tenues s’inspirent des looks iconiques de l’époque, des bobs Kangol aux vestes Stone Island, tandis que les écrans géants diffusent des matchs de Premier League locale.
« Notre univers, c’est un mélange de musique, de style vestimentaire et de ballon rond », explique Abraham, 24 ans, dont l’engagement rappelle celui des légendes du rock britannique. Le collectif, suivi par plus de 30.000 abonnés sur Instagram, organise des événements à travers Java, créant des espaces où supporters rivaux oublient leurs différences. « La musique efface les rivalités », confirme Peter Chev, un habitué des soirées.
L’ambiance atteint son paroxysme lorsque Bimo, lunettes noires et cheveux gominés, lance des hymnes comme *I Am The Resurrection* ou *You’ll Never Walk Alone*. La foule, payant moins de 5 dollars l’entrée, vibre à l’unisson, transcendant les clivages sociaux. Les femmes, bien que minoritaires, y trouvent leur place, dans un pays où les sorties nocturnes restent souvent genrées.
Pour les experts, cet engouement s’enracine dans l’histoire coloniale de villes comme Jakarta ou Bandung, où l’influence européenne persiste. Mais c’est aussi une réponse aux défis contemporains. « Cette musique offre une échappatoire à une jeunesse confrontée aux difficultés économiques et aux restrictions politiques », analyse l’ethnomusicologue Aris Setyawan.
Entre revival culturel et catharsis collective, le Weekenders Service Crew écrit une page inattendue de l’Indonésie moderne, où les rêves de Manchester résonnent sous les tropiques.