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Kleinfontein, l’ultime bastion afrikaner aux portes de Pretoria

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Au cœur de l’Afrique du Sud contemporaine, une communauté fermée perpétue un mode de vie hérité du passé. Isolée et autosuffisante, cette enclave incarne un conservatisme ethnique et culturel qui défie les normes de la nation arc-en-ciel.

À une trentaine de kilomètres de Pretoria, le village de Kleinfontein dresse ses barrières comme un rempart symbolique contre le temps. Quelque 1 500 résidents, descendants des premiers colons boers, y mènent une existence régie par des principes communautaires stricts. Les paysages de veld et les activités traditionnelles, comme les concours de tir à la corde ou les rôtisseries en plein air, y rappellent une Afrique du Sud révolue. L’admission dans cette société close exige une adhésion à l’identité afrikaner, définie par la langue, la religion et une culture partagée, sans que la notion de race ne soit officiellement invoquée.

Fondée en 1990 sur un terrain chargé d’histoire – les Boers y affrontèrent les troupes britanniques en 1900 –, l’enclave se veut un refuge face à l’insécurité et aux inégalités qui frappent le pays. Ses habitants mettent en avant une autonomie garantissant services et protection, à l’écart des tumultes urbains. Pour Suné Jansen van Rensburg, jeune enseignante de 21 ans, s’installer ici avec sa famille fut un choix délibéré après une agression à Pretoria. Elle évoque la volonté d’élever son enfant dans un environnement où prévalent des valeurs communes.

La gouvernance interne repose sur une structure associative rigoureuse, dirigée par des figures comme Dannie de Beer, vice-président de la communauté. Ce dernier dénonce des pressions politiques et fiscales exercées par la municipalité de Pretoria, qui conteste la légalité de certaines constructions. Les autorités métropolitaines, silencieuses sur le sujet, n’ont pas répondu aux demandes d’éclaircissement. Kleinfontein incarne ainsi une forme de résistance discrète, bien que marginale, au sein de la société sud-africaine.

Les racines idéologiques de l’enclave plongent dans l’histoire de l’apartheid. Jan Groenewald, l’un de ses fondateurs, ancien membre d’un mouvement extrémiste, défend l’idée d’un « Volkstaat », un État afrikaner autonome. Si lui-même affirme avoir renoncé à la violence, les références symboliques persistent, comme le buste de Hendrik Verwoerd, considéré comme l’architecte du régime ségrégationniste. Des hommages à des figures ultraconservatrices contemporaines y sont également organisés, confirmant l’ancrage à droite de la communauté.

Malgré les conflits internes et les défis juridiques, Kleinfontein maintient son cap. Rian Genis, président du conseil d’administration, assume cette singularité. « Peut-être que nous n’avons pas évolué au rythme du monde, concède-t-il, mais nous tenons à ce que les choses demeurent en l’état. » Une philosophie qui, au-delà des polémiques, dessine les contours d’un microcosme déterminé à préserver son héritage, envers et contre tout.

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