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Kharkiv : dans l’antre d’un cabaret ukrainien, la guerre se danse entre larmes et paillettes

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Au cœur d’une ville meurtrie par les bombardements, des danseuses offrent bien plus qu’un spectacle : une échappatoire fragile à l’horreur du front.

Derrière les lumières tamisées du « Flash Dancers », un club de cabaret situé à Kharkiv, se cache une réalité bien éloignée des frivolités attendues. Ici, les effeuilleuses ne se contentent pas de danser : elles écoutent, consolent, et parfois retiennent les larmes des soldats en permission venus chercher un semblant de normalité. À quelques kilomètres seulement des lignes russes, l’établissement est devenu un refuge improbable où se mêlent confessions intimes et musiques électro.

Les clientèles, majoritairement composées de militaires, oscillent entre rires et désespoir. « Ils arrivent souriants, puis l’alcool libère ce qu’ils taisent devant leurs frères d’armes », confie une danseuse. Certains exhibent des vidéos de combats, d’autres pleurent en silence au bar. Les artistes, bien que formées à la scène, endossent malgré elles le rôle de confidentes. Lisa, 20 ans, avoue être submergée par ces récits, tandis que Jénia, ancienne étudiante en médecine vétérinaire, analyse leurs blessures avec un regard clinique.

Géré par Valérya, une jeune manager diplômée en droit, et sa mère, ex-danseuse, le club tente de préserver une bulle hors du temps. Paillettes et talons aiguilles contrastent avec les alertes aériennes récurrentes. Les employées ont développé des rituels, comme se couvrir de brillants pour décourager les avances indésirables. Malgré tout, la guerre s’immisce partout : des habitués disparaissent, d’autres reviennent mutilés. Deux soldats proches du club ont péri récemment, laissant derrière eux des familles brisées.

Les numéros s’enchaînent pourtant, entre pole dance sensuel et saynètes thématiques. Les Colombiens engagés dans l’armée ukrainienne, comme ce mercenaire surnommé « Puma », y trouvent une parenthèse réconfortante. « Ici, on oublie l’enfer », murmure-t-il entre deux gorgées de champagne. Quand le couvre-feu impose la fermeture, les danseuses rentrent chez elles, souvent pour être réveillées par les sirènes. Mais chaque soir, elles retrouvent la scène, déterminées à offrir, ne serait-ce que quelques heures, un semblant de lumière dans l’obscurité.

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