Nous rejoindre sur les réseaux

Monde

Japon: les enfants du tsunami de 2011 marqués à jamais

Article

le

japon:-les-enfants-du-tsunami-de-2011-marques-a-jamais

Yuto Naganuma, 26 ans, regarde en silence des ruines balayées par un vent glacial: celles de l’école primaire où son petit frère a perdu la vie lors du tsunami du 11 mars 2011 dans le nord-est du Japon.

Dix ans après, Yuto et d’autres jeunes comme lui forment une génération hantée par la triple catastrophe ayant fait 18.500 morts et disparus: un puissant séisme qui a déclenché un tsunami dévastateur et le pire accident nucléaire au monde depuis Tchernobyl en 1986.

« J’ai perdu ma famille, ma communauté. Des choses qui m’ont construit. C’est comme si le tsunami avait coupé la moitié de mon corps », raconte-t-il à l’AFP devant les ruines de l’école Okawa à Ishinomaki, dans le département de Miyagi, où son petit frère est mort à l’âge de huit ans.

Son frère faisait partie des 74 enfants et 10 cadres qui ont perdu la vie dans cette école, faute d’avoir évacué à temps dans les hauteurs voisines.

Yuto, qui n’avait pourtant que 16 ans à l’époque, s’en veut de n’avoir pas pu empêcher cette tragédie. Deux jours avant le séisme de magnitude 9, il avait ressenti une forte secousse sur une plage locale, qu’il a considérée a posteriori comme un avertissement ignoré.

« Mon frère ne devait peut-être pas mourir. Si j’avais averti les gens de la communauté, peut-être ne seraient-ils pas morts », pense-t-il encore aujourd’hui. « Je suis plein de regrets. J’ai laissé ce jour venir sans rien faire ».

Il a aussi perdu sa grand-mère et son arrière-grand-mère dans le tsunami.

 « Entre deux catastrophes »

Dans les années suivantes, Yuto s’est efforcé de mener une vie normale, s’inscrivant d’abord à l’université dans un autre département du nord du Japon afin de devenir enseignant.

Mais, tourmenté par la culpabilité du survivant, il a finalement décidé de retourner à Miyagi pour étudier la gestion des catastrophes naturelles.

Il organise désormais des visites sur le site de l’école Okawa ravagée, pour méditer sur les leçons de ce drame, et donne des conférences sur la préparation aux désastres. « Nous vivons tous dans une sorte d’intervalle entre deux catastrophes », dit-il.

Ailleurs dans le même département de Miyagi, Nayuta Ganbe, 21 ans aujourd’hui, s’était réfugié dans son école avec sa mère et sa sœur après le déclenchement de l’alerte tsunami.

Ils étaient tous censés se réfugier au troisième étage, mais le garçon est allé récupérer en bas ses chaussures, que les élèves au Japon laissent à l’entrée.

Alors qu’il tenait la porte ouverte pour cinq hommes qui s’approchaient de l’école, ces derniers ont été pris au piège par un torrent d’eau boueuse charriant des débris et des véhicules.

Nayuta était sur le palier légèrement surélevé de l’école mais l’eau, « épaisse comme de la mayonnaise », l’a rapidement encerclé. « C’était comme si l’eau m’avait attrapé les chevilles ».

L’un des hommes devant l’école lui a désespérément tendu la main. Mais la puissance du courant était « trop forte » et la personne a été rapidement submergée sous ses yeux. « Je n’ai juste rien pu faire, même pas tendre le bras », dit Nayuta.

Quelques jours après la catastrophe, il a découvert un cadavre, puis un membre humain, une horrible expérience partagée par d’autres enfants des zones dévastées.

Et alors que la couverture médiatique japonaise à l’époque mettait l’accent sur la discipline des évacués et la solidarité nationale, Nayuta dit avoir vu des adultes tricher dans la queue pour de la nourriture en écartant les plus jeunes.

Pendant plusieurs jours après le tsunami, il n’a rien mangé. En classe, les enfants étaient dissuadés de parler de leurs amis « disparus » et certains ont connu des crises de panique. « Il était devenu normal de ne pas en parler », se souvient le jeune homme.

« Très isolée »

Nayuta étudie maintenant la sociologie des catastrophes, analysant ce qui rend les gens susceptibles de prendre les bonnes décisions en situation de crise. Il témoigne aussi dans tout le Japon pour préserver la mémoire de la catastrophe, qui s’efface selon lui.

Les adultes de l’époque sont souvent réticents à évoquer ce terrible passé, estime-t-il, tandis que les plus jeunes, comme sa petite soeur, ne se souviennent que de sensations fragmentées de peur.

Il y a dix ans, Hazuki Shimizu, 27 ans aujourd’hui, vivait à Namie, non loin de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, dont les coeurs de plusieurs réacteurs ont fondu quand le tsunami a brisé leurs systèmes de refroidissement.

Elle a fui le lendemain avec sa mère et sa soeur jusqu’à Chiba, près de Tokyo. « J’étais littéralement déchirée » en suivant l’évolution de la catastrophe de loin et avec un sentiment d’impuissance, se souvient-elle.

Comme de nombreux autres évacués de Fukushima, elle et ses proches ont subi des vexations. Beaucoup de Japonais croyaient à tort que des personnes éventuellement irradiées étaient contagieuses.

Sa famille a par exemple dû rester sur un parking et être inspectée avec des compteurs Geiger quand Hazuki s’est inscrite à sa nouvelle école.

Et ses nouveaux camarades de classe se taisaient sur la catastrophe. « Je ne savais pas pourquoi les gens ne parlaient pas de ça (…). Pourquoi ne s’en souciaient-ils pas? Je me sentais très isolée », se souvient-elle.

Une fois adulte, Hazuki est retournée dans le nord-est du Japon et travaille maintenant pour un groupe de préservation de la mémoire du tsunami.

« De nombreuses personnes ont eu des expériences difficiles, traumatisantes et ce n’était pas facile à l’époque d’en parler (…). Nous devons entendre leurs voix et les soutenir ».

Click to comment

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Culture

Insolite : Des retraitées s’invitent sur le podium de la Fashion week de Vienne

Article

le

Insolite : Des retraitées s'invitent sur le podium de la Fashion week de Vienne

À la Fashion week de Vienne, des mannequins de 60 à plus de 80 ans ont défilé, brisant les stéréotypes liés à l’âge. Une initiative inédite en Autriche, portée par la créativité et la volonté d’inclusion.

Brigitte Hrdlicka, 63 ans, résume parfaitement l’esprit de cette révolution discrète dans le monde de la mode : « C’est fini, les mamies assises à ne rien faire ». Alors qu’elle met la dernière main à sa création avant le défilé, elle incarne, avec neuf autres retraitées, un changement de regard sur l’âge et la vieillesse. Ces femmes, âgées de 60 à plus de 80 ans, ont défilé sur le podium de la Fashion week de Vienne, dans une célébration de la diversité et de l’inclusion.

Ce projet inédit en Autriche est le fruit de plusieurs mois de travail, où les participantes ont conçu et réalisé leurs tenues à partir de matériaux de récupération. Loin d’être des novices, elles ont été guidées par Irina Reichel, animatrice d’ateliers de couture pour retraités. En voyant ces mannequins d’un jour défiler avec assurance et élégance, le message est clair : l’âge n’est plus une limite, et la mode devient un outil pour déconstruire les préjugés.

Le spectacle, loin d’être une simple performance, revendique une prise de position contre l’âgisme et met en avant une joie de vivre palpable. Sur le podium, chaque femme rayonne, reflétant une pluralité de styles : du léopard audacieux aux robes de mariée colorées, il y en a pour tous les goûts. Ce défilé ne fait pas seulement écho à une tendance globale d’ouverture à la diversité dans la mode, mais il s’impose comme un événement symbolique. Si les icônes comme Naomi Campbell ou Claudia Schiffer ont déjà démontré qu’il est possible de célébrer la beauté à tous les âges, ces femmes viennoises montrent que l’élégance et la modernité n’ont pas d’âge non plus.

Les jeunes spectatrices, admiratives, s’imaginent déjà suivre leur exemple à un âge avancé, tandis que les retraitées comme Verena Heger, 60 ans, applaudissent l’initiative. « Ce n’est pas parce qu’on a plus de 60 ans qu’on fait des choses ringardes ! », s’exclame-t-elle, résumant la fierté et la modernité de cette nouvelle génération de femmes âgées qui refusent d’être invisibles.

Avec son ambiance festive, son tapis rouge et ses créations uniques, ce défilé aura marqué les esprits, prouvant que la mode est un terrain où chacun peut trouver sa place, peu importe son âge.

Lire Plus

Europe

Victoire historique de la justice européenne contre Apple et Google

Article

le

Victoire historique de la justice européenne contre Apple et Google

La Cour de justice de l’Union européenne a tranché en faveur de la Commission européenne dans deux affaires majeures impliquant Apple et Google, infligeant des sanctions financières record et marquant un tournant dans la lutte contre les abus des géants de la tech.

Mardi, la justice européenne a confirmé deux décisions aux lourds enjeux financiers, donnant raison à la Commission européenne face à Apple et Google. La commissaire à la Concurrence, Margrethe Vestager, s’est félicitée de cette issue, la qualifiant de « grande victoire pour les citoyens européens », soulignant son importance pour l’équité des règles économiques et la justice fiscale.

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), dernière instance dans ces affaires, a ordonné à Apple de rembourser 13 milliards d’euros à l’Irlande, correspondant à des avantages fiscaux illégaux, assimilés à une aide d’État. En parallèle, Google a vu confirmée une amende de 2,4 milliards d’euros pour abus de position dominante, infligée pour avoir favorisé son service de comparaison de prix au détriment de ses concurrents.

L’affaire Apple remonte à 2016, lorsque la Commission européenne avait demandé à l’entreprise de rembourser les impôts non perçus par l’Irlande entre 2003 et 2014. Durant cette période, Apple a rapatrié la majorité de ses bénéfices européens en Irlande, bénéficiant d’un taux d’imposition presque nul, allant de 1 % à 0,005 %. En 2020, le Tribunal de l’UE avait annulé cette décision, infligeant un sérieux revers à Margrethe Vestager. Cependant, en novembre 2023, l’avocat général de la CJUE avait recommandé d’annuler ce jugement initial et de renvoyer l’affaire au tribunal. La Cour a finalement confirmé que l’Irlande avait accordé une aide illégale à Apple, scellant ainsi l’obligation de remboursement. Apple a réitéré son désaccord, affirmant que l’entreprise n’avait bénéficié d’aucun traitement fiscal particulier.

Dans l’autre dossier, la CJUE a confirmé la sanction de 2,4 milliards d’euros imposée à Google pour avoir abusé de sa position dominante en favorisant son comparateur Google Shopping dans les résultats de recherche, rendant ses concurrents quasiment invisibles pour les utilisateurs. Cette amende, imposée en 2017, est l’une des nombreuses sanctions financières infligées à Google pour des pratiques anticoncurrentielles, le total des amendes infligées au groupe dépassant les 8 milliards d’euros. Google a exprimé sa déception face à ce verdict, rappelant avoir déjà ajusté ses pratiques en 2017 pour répondre aux exigences européennes.

Ces décisions marquent un tournant dans la régulation des géants de la technologie, tant en Europe qu’aux États-Unis, où Google fait également face à plusieurs enquêtes et procès. Elles réaffirment la volonté de la Commission européenne de réguler les pratiques des entreprises multinationales pour garantir une concurrence équitable et une fiscalité juste au sein de l’Union.

Lire Plus

Europe

Rome envisage de faire payer l’accès à la fontaine de Trevi

Article

le

Rome envisage de faire payer l'accès à la fontaine de Trevi

Face à l’afflux massif de visiteurs à la fontaine de Trevi, la municipalité de Rome étudie l’idée d’instaurer un accès payant pour les touristes. Cette mesure vise à protéger ce site emblématique tout en préservant l’expérience locale et culturelle des Romains.

La fontaine de Trevi, chef-d’œuvre baroque et symbole incontournable de la Ville éternelle, attire chaque année des millions de touristes. Afin de répondre au défi croissant du surtourisme, les autorités romaines envisagent de mettre en place un système de gestion plus strict de l’accès à ce lieu mythique. Alessandro Onorato, adjoint au tourisme à la mairie, a ainsi suggéré l’instauration d’horaires d’accès précis et de quotas de visiteurs pour mieux encadrer la foule et limiter les débordements.

Cette initiative, encore à l’étude, proposerait aux visiteurs de réserver des créneaux horaires, un dispositif permettant de contrôler non seulement le flux des touristes, mais aussi leurs comportements souvent inappropriés. L’un des objectifs principaux est d’éviter des scènes de désordre, telles que la consommation de nourriture sur les marches entourant la fontaine. Onorato a précisé que ce système de réservation ne serait pas une source de revenus pour la ville : les Romains auraient un accès gratuit, tandis que les touristes étrangers se verraient demander un modeste droit d’entrée d’un euro.

Toutefois, il n’y a encore aucune décision ferme. Un porte-parole de la municipalité a tempéré l’enthousiasme autour de ce projet en rappelant qu’il ne s’agit pour l’instant que d’une ébauche d’idée. Pourtant, le problème du tourisme de masse devient de plus en plus pressant, avec un nombre croissant de visiteurs dans la capitale italienne. Ce phénomène devrait s’intensifier à l’approche du Jubilé de 2025, une année sainte qui pourrait attirer près de 30 millions de personnes à Rome et au Vatican.

Rome n’est pas la seule ville italienne confrontée à ce défi. Venise, autre site emblématique, a déjà testé un système de billets payants pour les visiteurs à la journée lors des périodes d’affluence, une mesure destinée à canaliser les flux touristiques. Parallèlement, le gouvernement de Giorgia Meloni réfléchit à une hausse significative de la taxe de séjour, une proposition qui suscite la colère des professionnels du secteur touristique, craignant une baisse de la fréquentation.

Outre la gestion des flux, les autorités romaines veulent également préserver le centre historique de la capitale en limitant l’ouverture de nouvelles structures d’hébergement touristique. Toutefois, ce pouvoir échappe pour l’instant à la municipalité. Si elle peut encadrer l’implantation de nouveaux restaurants et fast-foods dans cette zone, elle n’a pas la compétence pour réguler le développement des chambres d’hôtes ou des logements de vacances.

La volonté de Rome d’encadrer l’accès à ses trésors culturels illustre bien le dilemme auquel sont confrontées les grandes métropoles européennes : préserver leur patrimoine tout en accueillant un tourisme toujours plus florissant.

Lire Plus

Les + Lus