Le tribunal correctionnel de Montpellier se penche sur la responsabilité d’EDF dans la mort de faucons crécerellettes et de chauves-souris protégées, victimes des pales d’éoliennes.
Le parc éolien du Causse d’Aumelas, situé à une vingtaine de kilomètres à l’ouest de Montpellier, est au cœur d’une affaire judiciaire inédite. Depuis deux décennies, les 31 éoliennes implantées sur ce plateau, classé zone Natura 2000, sont accusées d’avoir causé la mort de plusieurs espèces protégées, notamment des faucons crécerellettes et des chauves-souris. Ce lundi, le tribunal correctionnel de Montpellier doit déterminer si EDF Renouvelable et ses filiales sont pénalement responsables de cette surmortalité.
Les faucons crécerellettes, une espèce migratrice rare dont il ne reste que 700 spécimens en France, avaient presque disparu de l’Hérault avant de revenir s’installer sur le Causse d’Aumelas au début des années 2000. Aujourd’hui, quelques centaines d’individus y nichent, mais leur survie est menacée par les collisions avec les pales des éoliennes. Selon Simon Popy, président de France Nature Environnement (FNE) Occitanie Méditerranée, près de 70 cadavres d’oiseaux ont été retrouvés au pied des installations, un chiffre qui pourrait atteindre 150 à 300 en tenant compte des disparitions dues aux prédateurs naturels.
EDF Renouvelable et ses sous-traitants ont mis en place un système d’effarouchement sonore, le DT-Bird, censé éloigner les oiseaux des éoliennes. Cependant, ce dispositif s’est révélé inefficace, comme l’explique Simon Popy : « Il y a toujours des mortalités d’espèces vulnérables. C’est un peu un échec. » En décembre dernier, le parquet a requis des amendes sévères : 750 000 euros (dont 500 000 avec sursis) pour chaque société exploitante et six mois de prison avec sursis, ainsi qu’une amende de 150 000 euros (dont 100 000 avec sursis) pour Bruno Bensasson, PDG d’EDF Renouvelable.
La défense d’EDF argue que l’espèce prospère malgré les incidents et que M. Bensasson ne peut être tenu pour responsable, ayant délégué la gestion environnementale à ses subordonnés. Les sociétés exploitantes plaident également leur innocence, affirmant avoir respecté toutes les mesures de prévention. Pourtant, en 2021, EDF avait déjà été condamnée au civil pour la mort de 28 faucons crécerellettes sur ce même site.
France Nature Environnement, partie civile, réclame 500 euros par oiseau tué et une contribution de 168 000 euros au Plan national d’action pour le faucon crécerellette, afin de réparer le « préjudice écologique ». L’association souligne que, malgré les efforts techniques, aucune dérogation préfectorale n’a été demandée pour autoriser ces destructions, ce qui rend la situation illégale au regard de la législation européenne.
Ce procès pose une question cruciale, comment concilier transition énergétique et préservation de la biodiversité ? Pour Simon Popy, l’éolien est indispensable, mais il ne doit pas être implanté « n’importe où », surtout dans des zones sensibles comme le sud de la France, où les enjeux écologiques sont majeurs. Une décision similaire est attendue mercredi concernant le parc éolien de Bernagues, également dans l’Hérault, où un aigle royal a trouvé la mort. Le verdict de Montpellier pourrait ainsi marquer un tournant dans la gestion des énergies renouvelables en France.