Monde
Ethiopie: escalade du conflit hors du Tigré
Plusieurs roquettes, tirées depuis la région éthiopienne dissidente du Tigré, ont touché la capitale de l’Erythrée frontalière, Asmara, une escalade importante qui renforce les craintes que le conflit entre Addis Abeba et les autorités du Tigré dégénère.
Deux diplomates basés à Addis Abeba et ayant requis l’anonymat ont indiqué à l’AFP que plusieurs roquettes étaient tombées samedi à proximité de l’aéroport d’Asmara. La radio érythréenne d’opposition Erena, basée à Paris, citant des habitants d’Asmara, rapporte que quatre « missiles » ont touché la capitale de l’Erythrée.
Aucun dirigeant du Front de libération des Peuples du Tigré (TPLF), parti qui dirige la région et défiait depuis plusieurs mois l’autorité du gouvernement fédéral éthiopien, n’était joignable dans l’immédiat.
Le Commandement des forces du Tigré avait revendiqué plus tôt samedi avoir tiré vendredi soir des « missiles » sur les aéroports de Bahir Dar et Gondar, deux localités de la région éthiopienne voisine de l’Amhara, d’où selon lui décollent des appareils éthiopiens qui bombardent la région.
Il avait à nouveau accusé l’Erythrée de prêter main-forte à l’armée fédérale éthiopienne en laissant son aviation décoller du territoire érythréen, mais aussi en intervenant militairement dans les combats au Tigré à la demande d’Addis Abeba.
Ennemi juré
Il avait menacé de tirer des missiles en « représailles » contre Asmara et Massaoua, port érythréen sur la mer Rouge.
« Que les attaques partent d’Asmara ou de Bahir Dar (…) il y aura des représailles, nous tirerons des missiles sur des cibles choisies, en plus des aéroports », avait mis en garde le porte-parole du Commandement central du Tigré, Getachew Reda, s’exprimant à la télévision locale Demtsi Woyane TV.
« Nous allons également tirer des missiles pour déjouer tout mouvement militaire à Asmara et Massaoua » avait-il aussi menacé.
Ce n’est pas la première fois que les dirigeants du Tigré accusent l’Erythrée d’être impliquée dans le conflit en cours. Mais le blackout imposé sur la région et les restrictions aux déplacements des journalistes rendent impossible de vérifier les affirmations de l’un et l’autre camp.
Vendredi, le gouvernement éthiopien assurait ainsi que les forces du TPLF étaient « à l’agonie », tandis que celles-ci ont affirmé samedi avoir infligé de « lourdes pertes » à l’armée fédérale éthiopienne.
L’Erythrée est l’ennemi juré du TPLF, parti qui représente la minorité tigréenne et a contrôlé durant presque 30 ans l’appareil politique et sécuritaire en Ethiopie.
Les tirs sur Asmara constituent une escalade majeure dans le conflit au Tigré. Et de nombreux observateurs craignent qu’il entraîne l’Ethiopie – deuxième pays le plus peuplé d’Afrique avec 100 millions d’habitants et mosaïque de peuples – dans une guerre communautaire incontrôlable, mais aussi déstabilise toute la région de la Corne de l’Afrique, l’Erythrée pouvant notamment être tentée de régler de vieux comptes avec le TPLF.
« Massacre »
Ethiopie et Erythrée se sont affrontées dans une guerre meurtrière entre 1998 et 2000, à l’époque où le TPLF était tout puissant à Addis Abeba.
Les deux pays sont restés à couteaux tirés jusqu’à ce que Abiy Ahmed devienne Premier ministre en 2018 et fasse la paix avec Asmara, ce qui lui a valu le prix Nobel en 2019.
Devenu Premier ministre à la faveur d’un fort mouvement de contestation populaire né dans les régions oromo et amhara, les deux principales ethnies du pays, M. Abiy a progressivement écarté le TPLF du pouvoir et les tensions entre eux n’ont cessé de croître.
Jusqu’à l’intervention militaire qu’il a lancée le 4 novembre au Tigré, pour dit-il, y rétablir des « institutions légitimes ».
Avec ces tirs de « missiles » jusqu’en région amhara et en Erythrée, le TPLF a montré sa capacité à porter le conflit loin de son fief. Ce, alors que le général Berhanu Jula, chef d’état-major de l’armée fédérale, assurait le 5 novembre que « la guerre ne gagnerait pas le centre du pays » et « se terminerait » au Tigré.
Même si le TPLF assure que « le conflit ne concerne pas les civils amhara », de vieux différends territoriaux opposent les Amharas et les Tigréens (6% de la population du pays).
Les tensions sont récurrentes entre les deux communautés qui se sont violemment affrontées par le passé.
Des milliers de miliciens amhara ont déjà rejoint le Tigré pour prêter main-forte à l’armée fédérale éthiopienne contre le TPLF, selon les autorités régionales amhara.
Jeudi, Amnesty International a dénoncé un « massacre » de civils au Tigré, citant des témoins qui affirment que les victimes étaient amhara et ont été tuées par des forces du TPLF, ce que le président du Tigré Debretsion Gebremichael a démenti.
Culture
Insolite : Des retraitées s’invitent sur le podium de la Fashion week de Vienne
À la Fashion week de Vienne, des mannequins de 60 à plus de 80 ans ont défilé, brisant les stéréotypes liés à l’âge. Une initiative inédite en Autriche, portée par la créativité et la volonté d’inclusion.
Brigitte Hrdlicka, 63 ans, résume parfaitement l’esprit de cette révolution discrète dans le monde de la mode : « C’est fini, les mamies assises à ne rien faire ». Alors qu’elle met la dernière main à sa création avant le défilé, elle incarne, avec neuf autres retraitées, un changement de regard sur l’âge et la vieillesse. Ces femmes, âgées de 60 à plus de 80 ans, ont défilé sur le podium de la Fashion week de Vienne, dans une célébration de la diversité et de l’inclusion.
Ce projet inédit en Autriche est le fruit de plusieurs mois de travail, où les participantes ont conçu et réalisé leurs tenues à partir de matériaux de récupération. Loin d’être des novices, elles ont été guidées par Irina Reichel, animatrice d’ateliers de couture pour retraités. En voyant ces mannequins d’un jour défiler avec assurance et élégance, le message est clair : l’âge n’est plus une limite, et la mode devient un outil pour déconstruire les préjugés.
Le spectacle, loin d’être une simple performance, revendique une prise de position contre l’âgisme et met en avant une joie de vivre palpable. Sur le podium, chaque femme rayonne, reflétant une pluralité de styles : du léopard audacieux aux robes de mariée colorées, il y en a pour tous les goûts. Ce défilé ne fait pas seulement écho à une tendance globale d’ouverture à la diversité dans la mode, mais il s’impose comme un événement symbolique. Si les icônes comme Naomi Campbell ou Claudia Schiffer ont déjà démontré qu’il est possible de célébrer la beauté à tous les âges, ces femmes viennoises montrent que l’élégance et la modernité n’ont pas d’âge non plus.
Les jeunes spectatrices, admiratives, s’imaginent déjà suivre leur exemple à un âge avancé, tandis que les retraitées comme Verena Heger, 60 ans, applaudissent l’initiative. « Ce n’est pas parce qu’on a plus de 60 ans qu’on fait des choses ringardes ! », s’exclame-t-elle, résumant la fierté et la modernité de cette nouvelle génération de femmes âgées qui refusent d’être invisibles.
Avec son ambiance festive, son tapis rouge et ses créations uniques, ce défilé aura marqué les esprits, prouvant que la mode est un terrain où chacun peut trouver sa place, peu importe son âge.
Europe
Victoire historique de la justice européenne contre Apple et Google
La Cour de justice de l’Union européenne a tranché en faveur de la Commission européenne dans deux affaires majeures impliquant Apple et Google, infligeant des sanctions financières record et marquant un tournant dans la lutte contre les abus des géants de la tech.
Mardi, la justice européenne a confirmé deux décisions aux lourds enjeux financiers, donnant raison à la Commission européenne face à Apple et Google. La commissaire à la Concurrence, Margrethe Vestager, s’est félicitée de cette issue, la qualifiant de « grande victoire pour les citoyens européens », soulignant son importance pour l’équité des règles économiques et la justice fiscale.
La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), dernière instance dans ces affaires, a ordonné à Apple de rembourser 13 milliards d’euros à l’Irlande, correspondant à des avantages fiscaux illégaux, assimilés à une aide d’État. En parallèle, Google a vu confirmée une amende de 2,4 milliards d’euros pour abus de position dominante, infligée pour avoir favorisé son service de comparaison de prix au détriment de ses concurrents.
L’affaire Apple remonte à 2016, lorsque la Commission européenne avait demandé à l’entreprise de rembourser les impôts non perçus par l’Irlande entre 2003 et 2014. Durant cette période, Apple a rapatrié la majorité de ses bénéfices européens en Irlande, bénéficiant d’un taux d’imposition presque nul, allant de 1 % à 0,005 %. En 2020, le Tribunal de l’UE avait annulé cette décision, infligeant un sérieux revers à Margrethe Vestager. Cependant, en novembre 2023, l’avocat général de la CJUE avait recommandé d’annuler ce jugement initial et de renvoyer l’affaire au tribunal. La Cour a finalement confirmé que l’Irlande avait accordé une aide illégale à Apple, scellant ainsi l’obligation de remboursement. Apple a réitéré son désaccord, affirmant que l’entreprise n’avait bénéficié d’aucun traitement fiscal particulier.
Dans l’autre dossier, la CJUE a confirmé la sanction de 2,4 milliards d’euros imposée à Google pour avoir abusé de sa position dominante en favorisant son comparateur Google Shopping dans les résultats de recherche, rendant ses concurrents quasiment invisibles pour les utilisateurs. Cette amende, imposée en 2017, est l’une des nombreuses sanctions financières infligées à Google pour des pratiques anticoncurrentielles, le total des amendes infligées au groupe dépassant les 8 milliards d’euros. Google a exprimé sa déception face à ce verdict, rappelant avoir déjà ajusté ses pratiques en 2017 pour répondre aux exigences européennes.
Ces décisions marquent un tournant dans la régulation des géants de la technologie, tant en Europe qu’aux États-Unis, où Google fait également face à plusieurs enquêtes et procès. Elles réaffirment la volonté de la Commission européenne de réguler les pratiques des entreprises multinationales pour garantir une concurrence équitable et une fiscalité juste au sein de l’Union.
Europe
Rome envisage de faire payer l’accès à la fontaine de Trevi
Face à l’afflux massif de visiteurs à la fontaine de Trevi, la municipalité de Rome étudie l’idée d’instaurer un accès payant pour les touristes. Cette mesure vise à protéger ce site emblématique tout en préservant l’expérience locale et culturelle des Romains.
La fontaine de Trevi, chef-d’œuvre baroque et symbole incontournable de la Ville éternelle, attire chaque année des millions de touristes. Afin de répondre au défi croissant du surtourisme, les autorités romaines envisagent de mettre en place un système de gestion plus strict de l’accès à ce lieu mythique. Alessandro Onorato, adjoint au tourisme à la mairie, a ainsi suggéré l’instauration d’horaires d’accès précis et de quotas de visiteurs pour mieux encadrer la foule et limiter les débordements.
Cette initiative, encore à l’étude, proposerait aux visiteurs de réserver des créneaux horaires, un dispositif permettant de contrôler non seulement le flux des touristes, mais aussi leurs comportements souvent inappropriés. L’un des objectifs principaux est d’éviter des scènes de désordre, telles que la consommation de nourriture sur les marches entourant la fontaine. Onorato a précisé que ce système de réservation ne serait pas une source de revenus pour la ville : les Romains auraient un accès gratuit, tandis que les touristes étrangers se verraient demander un modeste droit d’entrée d’un euro.
Toutefois, il n’y a encore aucune décision ferme. Un porte-parole de la municipalité a tempéré l’enthousiasme autour de ce projet en rappelant qu’il ne s’agit pour l’instant que d’une ébauche d’idée. Pourtant, le problème du tourisme de masse devient de plus en plus pressant, avec un nombre croissant de visiteurs dans la capitale italienne. Ce phénomène devrait s’intensifier à l’approche du Jubilé de 2025, une année sainte qui pourrait attirer près de 30 millions de personnes à Rome et au Vatican.
Rome n’est pas la seule ville italienne confrontée à ce défi. Venise, autre site emblématique, a déjà testé un système de billets payants pour les visiteurs à la journée lors des périodes d’affluence, une mesure destinée à canaliser les flux touristiques. Parallèlement, le gouvernement de Giorgia Meloni réfléchit à une hausse significative de la taxe de séjour, une proposition qui suscite la colère des professionnels du secteur touristique, craignant une baisse de la fréquentation.
Outre la gestion des flux, les autorités romaines veulent également préserver le centre historique de la capitale en limitant l’ouverture de nouvelles structures d’hébergement touristique. Toutefois, ce pouvoir échappe pour l’instant à la municipalité. Si elle peut encadrer l’implantation de nouveaux restaurants et fast-foods dans cette zone, elle n’a pas la compétence pour réguler le développement des chambres d’hôtes ou des logements de vacances.
La volonté de Rome d’encadrer l’accès à ses trésors culturels illustre bien le dilemme auquel sont confrontées les grandes métropoles européennes : préserver leur patrimoine tout en accueillant un tourisme toujours plus florissant.
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