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Bosnie : le long combat des survivantes de violences sexuelles pour la justice

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Trente ans après la guerre, des centaines de femmes brisent le silence face à l’impunité persistante et aux lenteurs judiciaires.

Dans les montagnes de Bosnie, l’horreur a laissé des traces indélébiles. Zehra Murguz, comme des milliers d’autres femmes, porte en elle les séquelles des viols systématiques perpétrés durant le conflit des années 1990. Son témoignage, livré avec une douloureuse détermination, résonne pour celles qui n’ont jamais pu parler, comme cette fillette de 12 ans disparue à jamais dans l’enfer de Foca.

Lorsque les forces serbes ont investi cette ville en 1992, les violences sexuelles sont devenues une arme de guerre. Des centres de détention, comme le gymnase Partizan, se sont transformés en lieux de torture où des femmes et des adolescentes ont subi des sévices inimaginables. Certaines ont été réduites à l’esclavage, d’autres vendues ou exécutées. Les chiffres sont accablants : plus de 20 000 victimes recensées, majoritairement des Bosniaques, mais aussi des Serbes et des Croates.

Malgré la création du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et des avancées juridiques historiques, comme la reconnaissance du viol comme crime contre l’humanité, la route vers la justice reste semée d’embûches. En Bosnie, où les procès sont désormais menés par des juridictions locales, seules quelques condamnations ont été prononcées. L’association « Foca 92-95 », qui accompagne les survivantes, déplore la lenteur des procédures et le manque de protection pour les témoins.

Pour Zehra Murguz, le combat a commencé en 2011 lorsqu’elle a décidé de poursuivre son ancien voisin, identifié comme l’un de ses bourreaux. Son procès, en 2012, a ravivé des traumatismes enfouis, mais elle y voit une victoire symbolique : marquer les coupables du sceau infamant de criminels de guerre. Pourtant, des centaines de dossiers restent en suspens, et de nombreux suspects évoluent en toute impunité, parfois au sein même des institutions publiques.

Les obstacles sont multiples : disparités législatives entre les entités du pays, absence de réparations pour les victimes, et surtout, une stigmatisation persistante qui pousse beaucoup à se taire. « La société rejette encore la honte sur nous plutôt que sur les agresseurs », souligne une militante. Malgré une loi accordant des pensions aux victimes civiles, son application reste inégale, laissant des survivantes sans soutien.

Aujourd’hui, des femmes comme Bakira Hasecic continuent de se battre pour que justice soit rendue. Son association recueille les témoignages de celles qui, après des années de silence, osent enfin parler. Mais le temps presse : les survivantes vieillissent, et les procédures s’éternisent. « C’est une bombe à retardement », murmure-t-elle, consciente que chaque jour perdu est une nouvelle épreuve pour celles qui attendent encore que leur souffrance soit reconnue.

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