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France

Féminicides: les débuts poussifs des bracelets anti-rapprochement

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Grâce à ce boîtier, des femmes peuvent enfin vivre sans avoir la peur au ventre. Certaines l’ont pourtant rendu, le jugeant trop contraignant. Six mois après leur lancement, les bracelets anti-rapprochement peinent à trouver leur place dans l’arsenal judiciaire déployé contre les hommes violents.

Depuis quelques semaines, Jeanne (prénom modifié) ne sort plus de chez elle sans cette sorte de gros téléphone qui permet aux autorités de s’assurer que son ex-conjoint ne s’approche pas d’elle.

Pour cette jeune mère, le confinement de mars 2020 a marqué « l’apothéose » de plusieurs années de coups et d’humiliations. Poussée par des amis et une gendarme qui ne la « lâche pas » et lui demande de prendre en photo les bleus sur son corps, elle finit par demander de l’aide le jour où elle lit la peur dans les yeux de ses enfants. « Ce n’était plus possible », dit-elle.

Son conjoint est interpellé, jugé et condamné au port du bracelet anti-rapprochement (BAR).

Comme lui, 37 autres hommes le portent aujourd’hui à la cheville. Ce dispositif, qui a fait ses preuves en Espagne, a été déployé dans quelques juridictions « pilote » en octobre, avant d’être étendu à toute la France deux mois plus tard pour tenter d’enrayer la progression des féminicides (90 en 2020, après 146 en 2019).

Son principe repose sur la géolocalisation de la femme et de son ex-conjoint violent. S’il franchit une « zone de pré-alerte » (1 à 10 km), l’homme est appelé par un opérateur qui lui somme de s’éloigner. S’il persiste et entre « dans la zone d’alerte », un opérateur demande alors à la femme de se mettre en sécurité pendant que les forces de l’ordre interviennent.

Selon la Chancellerie, 62 bracelets ont déjà été « prescrits », dont une trentaine dans le cadre d’un contrôle judiciaire avant un procès. Une dizaine doivent être posés pour aménager une sortie de prison.

« Ça sonnait trop »

Dans la juridiction de Pontoise, qui réclamait depuis des années d’expérimenter ce dispositif, les cinq bracelets posés ont déjà tous été restitués.

L’un parce que la victime a déménagé à l’étranger. Les autres car les femmes « ont expliqué qu’elles ne se sentaient plus en danger » ou « trouvaient que ça sonnait trop », explique le procureur Eric Corbaux.

Le magistrat reconnaît avoir été « surpris » mais assure qu’il continuera « à promouvoir et requérir » le bracelet, à ses yeux « très dissuasif et très rassurant ».

Son diagnostic est pourtant loin d’être partagé par tous. « C’est vécu plus comme une contrainte que comme une protection », témoigne un travailleur social. Le boîtier « se déclenche de manière intempestive », détaille-t-il, il rend la vie « professionnelle très compliquée » et « rappelle en permanence aux victimes la présence » de leur agresseur.

Les autorités se doutaient bien que les 1.000 bracelets dont elles disposent ne trouveraient pas immédiatement preneurs mais le faible nombre déjà distribué suggère qu’il ne fait pas non plus l’unanimité dans les tribunaux.

A Bobigny, « on n’a pas trouvé d’espace pour l’heure où le BAR serait venu combler un manque » par rapport aux outils déjà disponibles, explique Emmanuelle Kern, substitute de la procureure, même si « ça ne veut pas dire que ce ne sera pas le cas ».

Le Téléphone grave danger (TGD) lui est largement préféré, confie une source judiciaire. Avec le BAR, la victime est « passive pendant les coups, passive pendant qu’on éloigne le type ». Avec le TGD, « on lui restitue son pouvoir, c’est elle qui décide quand elle appuie sur le bouton ».

Avec le bracelet, « madame se demande toujours où est monsieur, et vice versa (…) l’emprise a du mal à être rompue », regrette aussi Ernestine Ronai, fondatrice du premier Observatoire départemental des violences faites aux femmes.

Sécurité et sérénité

« C’est un outil très efficace et très contraignant, donc assez attentatoire aux libertés », estime quant à lui Eric Mathais, procureur de Dijon. Dans un tribunal qui voit passer 200 à 300 dossiers de violences conjugales par an, il n’est pas question de « poser un BAR tous les jours ».

Avant l’arrivée du bracelet, pour les hommes au profil de l’ex-conjoint de Jeanne, « la réponse, c’était l’incarcération », rappelle Joël Jallet, directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation de Côte-d’Or. Aussi sûr « que les quatre murs d’une prison », le BAR permet de continuer à travailler, souligne-t-il.

C’est un « maillon d’une chaîne, qui manquait », abonde Frédéric Teillet, le procureur de Douai.

Dans cette juridiction « pilote », seuls deux bracelets ont été posés. « Ça peut paraître peu », reconnaît-il, mais c’est « proportionné à la volumétrie » des affaires de violences conjugales et aux autres dispositifs disponibles.

« On n’a jamais dit que c’était miraculeux, c’est un outil de plus, dont il faut apprendre à se servir », résume Gwenola Joly-Coz, la première présidente de la cour d’appel de Poitiers, en pointe dans l’expérimentation du BAR.

A l’arrivée du TGD il y a une dizaine d’années, rappelle-t-elle, « des procureurs n’en voulaient pas, disaient que ça ne servait à rien. Aujourd’hui tout le monde trouve ça génial ».

Dans des cas comme celui de Jeanne, le bracelet est « plus simple, plus souple et moins contraignant pour la victime » car sa sécurité ne dépend pas d’elle, estime Orane Duchatel, directrice de France victime 21.

Si c’est parfois un peu « frustrant » de se savoir suivie à la trace, de devoir penser à recharger le boîtier, à l’avoir tout le temps sur soi, Jeanne estime toutefois la contrainte bien « petite » face à ce qu’elle en retire: la « sécurité » et une certaine sérénité. « Je suis sûre de ne jamais le croiser ».

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France

Nouvelles révélations sur l’abbé Pierre, qualifié de « prédateur » par Emmaüs

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Nouvelles révélations sur l'abbé Pierre, qualifié de "prédateur" par Emmaüs

Les nouvelles accusations de violences sexuelles jettent une ombre sur l’héritage de l’icône humanitaire.

L’organisation Emmaüs, après avoir mandaté le cabinet Egaé pour enquêter sur les agissements de l’abbé Pierre, fait face à une série d’accusations troublantes. Le rapport publié lundi révèle neuf nouvelles plaintes pour violences sexuelles, portant à 33 le nombre de témoignages contre le fondateur du mouvement, décédé en 2007.

Les faits allégués s’étendent sur plusieurs décennies, de 1960 à 2000, et se sont déroulés majoritairement en France, mais également à l’étranger. Parmi les victimes présumées, on compte une mineure, membre de la famille de l’abbé Pierre, qui aurait subi des attouchements sexuels à la fin des années 90. Un autre témoignage, plus grave encore, fait état d’un acte sexuel avec pénétration sur un garçon mineur.

L’analyse des rapports successifs d’Egaé met en lumière des comportements de manipulation, de menaces et de chantage, décrivant une stratégie méthodique de l’abbé Pierre. « Tout cela dessine le portrait d’un prédateur », a déclaré Tarek Daher, délégué général d’Emmaüs France, soulignant la gravité des actes commis.

Les victimes viennent de divers horizons : des employées d’hôtel, des soignantes, des bénévoles, et même une hôtesse de l’air. Le cabinet Egaé a également eu connaissance d’au moins une autre victime au sein de la famille de l’abbé, sans pouvoir l’entendre.

Ce troisième rapport depuis juillet 2023 marque un tournant dans la perception de l’abbé Pierre. Emmaüs International, Emmaüs France et la Fondation Abbé Pierre, qui ont initialement commandé l’enquête, sont confrontés à une réalité difficile à accepter. La Fondation a déjà annoncé un changement de nom, et le lieu de mémoire à Esteville a été fermé.

La Conférence des évêques de France (CEF), exprimant son horreur face à ces révélations, encourage les victimes à se faire entendre. Elle a également ouvert ses archives pour aider à la compréhension de cette affaire.

Les témoignages recueillis par Egaé montrent une omerta généralisée à l’époque des faits. « J’ai eu envie de crier que cet homme n’est pas celui qu’il prétend être, mais qui m’aurait crue ? », témoigne Rachel dans l’émission « Les démons de l’abbé Pierre » sur France 2.

Emmaüs a mis en place une commission d’experts pour comprendre comment de tels actes ont pu rester impunis. Cette commission, dirigée par la sociologue Céline Béraud, devra enquêter sur les dysfonctionnements internes ayant permis à l’abbé Pierre de ne pas être inquiété. Tarek Daher admet que des personnes au sein de l’organisation étaient probablement au courant, soulignant la nécessité de comprendre comment une telle culture du silence a pu s’installer.

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Économie

Économie : Donald Trump menace les exportations de vins et spiritueux français

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Economie : Donald Trump menace les exportations de vins et spiritueux français

Le président élu des États-Unis menace d’augmenter les droits de douane sur les vins et spiritueux français, jetant une ombre sur l’avenir des exportations.

La perspective de voir Donald Trump de retour à la Maison-Blanche en tant que 45e président des États-Unis le 20 janvier prochain soulève des inquiétudes parmi les professionnels du vin et des spiritueux français. Lors de sa campagne électorale, Trump avait promis de renforcer les droits de douane sur les produits importés, une mesure qui pourrait avoir des répercussions importantes sur les exportations de vins et spiritueux français.

Cette menace d’une augmentation de 10% des taxes sur les vins et spiritueux français n’est pas à prendre à la légère. Elle pourrait entraîner une diminution significative des ventes sur le marché américain, l’un des plus lucratifs pour les producteurs français. L’impact financier serait immédiat et considérable, mettant en péril la stabilité économique de nombreuses entreprises du secteur.

Nicolas Palazzi, gérant de la société PM Spirits, a exprimé son inquiétude face à cette éventualité. « Cela va constituer un séisme dans notre secteur », a-t-il déclaré à La Dépêche, soulignant que l’industrie espérait une année 2025 relativement normale après les turbulences passées. Cette nouvelle donne pourrait rendre les années à venir encore plus ardues pour les acteurs du marché.

Bien que l’administration Trump ne soit pas encore officiellement en place, certains professionnels ont déjà pris des mesures préventives. Des stocks ont été accumulés en prévision de l’entrée en vigueur des nouvelles taxes, tandis que d’autres cherchent à réduire les coûts ou à intégrer dès maintenant les 10% supplémentaires dans leurs prix de vente.

Il est à noter que lors de son précédent mandat, Donald Trump avait déjà augmenté les droits de douane sur les produits français, notamment en réponse à un différend commercial avec Boeing. Cette fois, bien que les États-Unis se concentrent principalement sur leurs relations avec le Canada, le Mexique et le Groenland, les vins et spiritueux français restent dans le collimateur de l’administration américaine.

L’ombre de Trump plane sur les vignobles français, créant une incertitude qui pourrait peser lourdement sur l’économie du secteur vinicole et spiritueux. Les professionnels espèrent que des négociations diplomatiques pourront atténuer ces mesures protectionnistes avant qu’elles ne prennent effet, mais l’heure est à la préparation et à l’adaptation face à un avenir potentiellement tumultueux.

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Vigilance grand froid : huit départements concernés pour ce week-end en France

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Vigilance grand froid : huit départements concernés pour ce week-end en France

Pour la première fois cet hiver, Météo France a mis en place une alerte pour affronter des températures glaciales, visant à protéger les plus vulnérables.

Ce week-end, la France s’apprête à affronter une vague de froid intense, un phénomène exceptionnel pour la saison. Dimanche 12 janvier 2025, le pays sera touché par un épisode de gel généralisé, incitant Météo France à déclencher la vigilance grand froid dans huit départements. Cette mesure est destinée à prévenir les risques sanitaires associés à des températures particulièrement basses, qui peuvent atteindre des niveaux dangereux pour la santé.

Les départements concernés par cette vigilance sont l’Aveyron, le Cantal, la Corrèze, la Creuse, le Doubs, la Haute-Loire, la Loire, et la Lozère. Ces zones, principalement situées dans le centre et l’est de la France, sont exposées à des températures extrêmement froides, augmentant les risques d’hypothermie et d’engelures, particulièrement chez les personnes sans-abri, les personnes âgées, et les nourrissons.

La persistance de conditions météorologiques froides est prévue pour toute la durée du week-end, avec des températures qui chuteront de manière significative dans le nord et le nord-est du pays. Guillaume Séchet, météorologue, explique que ce refroidissement est dû à l’absence de nuages la nuit et à l’arrivée d’une masse d’air froid en provenance du nord-est de l’Europe.

Face à cette situation, les autorités locales sont prêtes à activer le plan grand froid. Ce plan implique l’augmentation des capacités d’hébergement d’urgence, le renforcement des services d’aide aux sans-abri, et la mise en place de mesures spécifiques pour aider les populations les plus fragiles. L’objectif est de prévenir les situations d’urgence liées au froid extrême.

Les conséquences du froid sur la santé peuvent être graves, avec des risques d’hypothermie et d’engelures. Météo France recommande la prudence, surtout pour les personnes vulnérables, et invite les citoyens à limiter leurs déplacements et à se protéger efficacement contre le froid.

Cet épisode de grand froid, bien que rare pour cette période de l’année, rappelle l’importance de la préparation et de la solidarité face aux caprices de la météo. Les citoyens sont invités à se tenir informés et à respecter les consignes de sécurité pour traverser ce week-end glacial en toute sécurité.

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