En Afrique du Sud, la débrouille devient une nécessité face au chômage endémique des jeunes
Dans les townships, des milliers de jeunes Sud-Africains inventent chaque jour des moyens de survie, loin des promesses politiques et d’un marché du travail inaccessible.
Au fond d’un jardin familial du township de Daveyton, près de Johannesburg, Thabang Moshoke, 30 ans, a transformé une passion en gagne-pain. Sous un abri de fortune, il exerce comme coiffeur informel, proposant des coupes à 60 rands (3 euros). Cet autodidacte, ancien pompiste licencié pendant la pandémie, incarne la résilience d’une jeunesse confrontée à un taux de chômage record, atteignant 45 % chez les 15-34 ans. « Le Covid m’a ouvert les yeux. J’ai réalisé que je pouvais vivre de cette activité », confie-t-il, épuisé mais déterminé. Avec un revenu mensuel d’environ 250 euros, il parvient à subvenir à ses besoins, tout en offrant un espace à d’autres jeunes entrepreneurs du quartier.
Ainsi, Thuso Sebiloane, 25 ans, a installé son bar à ongles à côté du salon de Thabang. Pour lui, cette débrouille collective est une réponse à l’absence d’opportunités dans un pays encore marqué par les inégalités raciales. « Nous voulons grandir, mais les chances ne sont pas de notre côté », déplore-t-il. Trois décennies après la fin de l’apartheid, les Sud-Africains noirs restent les premières victimes d’un système économique excluant.
Non loin de là, Nhlanhla Vilakazi, 31 ans, nettoie des chaussures pour 90 rands la paire (4,50 euros). Comme beaucoup, il a perdu foi dans les promesses gouvernementales. « Les politiciens ne viennent ici qu’en période électorale, avec des tee-shirts et des slogans », lance Ndumiso Mthembu, 28 ans, qui vit chez ses parents depuis huit ans sans avoir trouvé d’emploi. Pour Bonga Makhanya, fondateur du South African Youth Economic Council, cette situation alimente un cercle vicieux : « Le chômage des jeunes entraîne une hausse de la criminalité et de la dépendance aux drogues. »
Pourtant, certains refusent de baisser les bras. Pedros Thomonyana, 33 ans, diplômé en maçonnerie, se poste chaque jour devant un magasin de bricolage, espérant décrocher une mission. « Je ne devrais pas mendier du travail après avoir étudié. Mais je dois nourrir mes enfants », explique-t-il, résigné mais combatif. Dans ce contexte, la débrouille reste souvent la seule issue pour des milliers de jeunes Sud-Africains, condamnés à inventer leur avenir dans l’ombre d’une économie qui les ignore.