Dans le nord-ouest du pays, une école unique transmet les secrets ancestraux des toits de chaume, menacés de disparition.
Sur les hauteurs du Donegal, des mains s’affairent à tresser des bottes de paille sous le regard expert d’artisans chevronnés. Cette scène se répète chaque week-end dans une école pas comme les autres, dédiée à la préservation d’un savoir-faire séculaire : la confection des toits de chaume, signature architecturale des campagnes irlandaises.
L’initiative répond à une urgence culturelle. Avec seulement une dizaine de professionnels encore en activité et près de 400 chaumières nécessitant des réparations urgentes, la transmission des techniques traditionnelles devient vitale. Les fondateurs de l’établissement, ouverts depuis quelques mois, y voient bien plus qu’un simple métier : une manière de préserver l’âme des paysages ruraux.
Les élèves, venus parfois de loin, découvrent les propriétés insoupçonnées de ce matériau naturel. « Un toit bien réalisé offre une isolation parfaite, résiste aux intempéries et s’intègre harmonieusement dans l’environnement », explique un formateur. Les stagiaires apprennent à maîtriser chaque geste, depuis la préparation des fibres végétales jusqu’à la pose minutieuse des couches successives.
Parmi les apprentis, des profils variés : agriculteurs souhaitant entretenir leur propre habitation, jeunes en quête de métiers manuels, ou passionnés d’histoire locale. Tous partagent la même fascination pour ces constructions chargées de mémoire. « Chaque chaumière raconte des générations de vie paysanne », confie une participante dont la famille occupe le même cottage depuis trois siècles.
Le défi dépasse la simple technique. La raréfaction des matières premières – comme le lin local autrefois largement cultivé – complique la restauration des bâtiments existants. Les promoteurs du projet militent pour relancer ces cultures traditionnelles, aujourd’hui souvent importées d’Europe de l’Est.
Au-delà de l’aspect patrimonial, cette renaissance artisanale pourrait créer des emplois spécialisés dans les zones rurales. « Nous avons besoin de nouvelles mains pour prendre le relais », insiste un maître chaumier, soulignant la demande croissante pour des rénovations authentiques. Une lueur d’espoir pour ces toits de paille qui, après avoir failli disparaître, retrouvent peu à peu leur place dans le ciel irlandais.