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Le Moulin Rouge sacrifie la mémoire de Prévert sur l’autel de l’expansion

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Un projet d’agrandissement du célèbre cabaret parisien menace l’appartement-musée du poète Jacques Prévert, suscitant une mobilisation culturelle et politique d’ampleur.

La cité Véron, cette impasse pavée où le temps semble s’être figé, abrite un trésor menacé. Le Moulin Rouge a notifié à la petite-fille du poète sa décision de ne pas renouveler le bail de l’appartement que Jacques Prévert occupa durant près de trente ans. Ce lieu de mémoire, où subsistent intactes les affaires personnelles de l’artiste et où se croisèrent jadis Picasso, Arletty ou Jean Gabin, pourrait être transformé en loges ou espaces de circulation.

Le cabaret justifie cette décision par la réhabilitation de la salle Mistinguett, un vaste chantier prévu jusqu’en 2030. Le directeur du Moulin Rouge évoque une mise en œuvre progressive, tandis que l’éviction théorique est fixée au printemps 2026. Le projet entend redonner vie à l’ancien théâtre à l’italienne des Années folles, ultérieurement transformé en cinéma avant de tomber en désuétude.

Cette ambition se heurte à la préservation d’un patrimoine littéraire exceptionnel. Les cent mètres carrés où vécut l’auteur des « Feuilles mortes » abritent les archives de l’association « Chez Jacques Prévert », financées par les droits d’auteur du poète. L’héritière du lieu, qui souhaite y créer un musée, déplore la perte d’authenticité que représenterait une reconstitution ailleurs.

La polémique dépasse désormais le cadre du quartier montmartrois. La mairie de Paris et le Conseil de la capitale se sont prononcés pour la conservation in situ de l’appartement. Un sénateur a saisi la ministre de la Culture, soulignant la valeur patrimoniale irremplaçable des lieux. Près d’une centaine de personnalités, dont Patti Smith, François Cluzet, Patrick Modiano et Stéphane Bern, ont signé une lettre ouverte réclamant le classement aux Monuments historiques.

Les défenseurs du patrimoine soulignent que l’âme des lieux réside dans leur authenticité et leur unité spatiale. Le Musée de Montmartre met en garde contre la disparition d’une énergie unique, née de la présence persistante des objets et de l’agencement originel. Le débat oppose désormais deux visions de la valorisation culturelle, entre modernisation nécessaire et conservation mémorielle.

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