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Culture

La culture ballroom, espace d’expression des minorités, rayonne en France

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Née dans les communautés queer américaines, cette mouvance artistique mêlant danse et performance connaît un essor remarquable dans l’Hexagone, avec l’émergence de nouvelles scènes régionales.

La ballroom, phénomène culturel issu des communautés noires et latinos transgenres aux États-Unis dans les années 1960, étend son influence sur le territoire français. Après s’être solidement implantée à Paris depuis une décennie, cette scène artistique queer voit désormais éclore des pôles dynamiques en région, à l’image de la communauté active récemment constituée à Lille. Cette expansion témoigne de la vitalité d’un mouvement qui a inspiré de nombreuses icônes musicales internationales.

Lors d’une récente compétition organisée dans le Nord, l’énergie caractéristique des balls a une nouvelle fois électrisé le public. Soraya Alaïa, figure locale âgée de 33 ans, y a été consacrée « légende » pour son expertise en voguing, discipline chorégraphique acrobatique indissociable de cette culture. Après avoir initié des ateliers d’enseignement dès 2018, elle observe aujourd’hui une maturation collective. « Les participantes gagnent en assurance et maîtrisent désormais parfaitement les codes », constate-t-elle.

Pour de nombreux adeptes, la ballroom représente bien plus qu’une simple pratique artistique. Kaya L’Eveillé, originaire de Maurice, y voit un refuge essentiel. « Ayant grandi dans un pays où les droits des personnes trans ne sont pas reconnus, cet univers m’est apparu comme un espace de possibilités extraordinaires », confie le jeune artiste de 25 ans. Historiquement, ce mouvement s’est constitué en réaction aux discriminations observées dans les concours de beauté traditionnels, souvent inaccessible aux minorités ethniques et LGBTQ+.

La compétition s’organise autour de catégories distinctes où s’évaluent tant la performance dansée que la prestance vestimentaire ou l’expressivité faciale. La catégorie « realness », qui récompense l’art de se conformer aux normes de genre, illustre la complexité des codes maîtrisés par les participants. « Lorsqu’un performeur excelle dans cette discipline, son identité trans devient imperceptible », précise Kaya L’Eveillé.

Vinii Revlon, éminente personnalité de la scène parisienne, souligne la double nature de ces rassemblements. « C’est un lieu où s’exaltent la diversité des corps et des sexualités, mais qui reste fondamentalement structuré par l’esprit de compétition, avec ses récompenses et ses enjeux financiers », explique-t-il.

À Lille, la ballroom comble un vide ressenti par les communautés queer issues de l’immigration. « Combien de fois ai-je entendu des propos racistes dans les cercles LGBT traditionnels », déplore Soraya Alaïa. Une spectatrice, Clotilde, abonde « Les scènes drag ou underground restent très homogènes ethniquement. Ici, je découvre une authentique mixité sociale ».

Le collectif lillois, rassemblé autour de Soraya Alaïa, se distingue par sa diversité tant ethnique que sociale. Son influence dépasse désormais les frontières régionales, attirant des participants de Paris, Bruxelles ou des Pays-Bas lors de ses événements. Cleo, étudiante américano-coréenne établie à Paris, témoigne « L’atmosphère y est particulièrement chaleureuse. Je me suis immédiatement sentie accueillie, bien que ne connaissant personne ».

Les acteurs de ce mouvement espèrent voir essaimer ce modèle dans d’autres villes françaises. Vinii Revlon envisage même la création d’un circuit compétitif national, s’inspirant du modèle américain où les compétiteurs se déplacent de ville en ville. Cette perspective ouvre de nouvelles voies pour le développement d’une scène ballroom française résolument ancrée dans son époque.

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