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Kaouther Ben Hania dédie une œuvre cinématographique à la voix étouffée de Gaza

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La réalisatrice franco-tunisienne présente à la Mostra de Venise un long-métrage saisissant retraçant les derniers instants d’une fillette palestinienne, provoquant une onde d’émotion et des réactions internationales.

Le cinéma peut-il encore ébranler les consciences ? Kaouther Ben Hania en fait le pari avec son dernier film, présenté en avant-première mondiale sur le Lido. L’œuvre, intégralement construite autour des enregistrements authentiques des appels de détresse d’une enfant de cinq ans, Hind Rajab, plonge le spectateur au cœur de l’urgence et de l’impuissance. Pendant près de trois heures, la petite fille, bloquée dans un véhicule mitraillé à Gaza en janvier 2024, tente en vain d’obtenir des secours, tandis que six membres de sa famille gisent sans vie autour d’elle.

La force du projet réside dans son dispositif narratif resserré. L’intégralité de l’action se déroule dans le centre d’appels du Croissant-Rouge palestinien, où opérateurs et régulateurs tentent désespérément de localiser et secourir la fillette. Kaouther Ben Hania assume une approche frontale, refusant tout confort narratif ou émotionnel. Il s’agit, explique-t-elle, de rendre palpable l’absurdité et l’horreur d’une situation où des civils sont abandonnés à leur sort.

La projection vénitienne a provoqué un séisme émotionnel rare, saluée par vingt-trois minutes d’applaudissements et de nombreuses réactions publiques de soutien. Des figures hollywoodiennes comme Joaquin Phoenix, Rooney Mara ou Brad Pitt, producteurs exécutifs du film, ont immédiatement apporté leur caution artistique et morale. Un engagement qui n’est pas sans conséquences. Des campagnes de menaces et d’intimidation ont déjà ciblé plusieurs membres de l’équipe, signe de la polarisation extrême autour de la question palestinienne.

Le film, choisi pour représenter la Tunisie aux Oscars 2026, s’inscrit dans une démarche à la fois mémorielle et politique. Kaouther Ben Hania souhaite redonner un visage et une voix aux victimes de ce conflit, souvent réduites à des statistiques. La mère de Hind Rajab, qui apparaît brièvement à l’écran, a expressément soutenu le projet, souhaitant que sa fille ne sombre pas dans l’oubli. Les employés du Croissant-Rouge, interprétés par des acteurs palestiniens, ont collaboré étroitement avec la réalisation pour garantir une restitution fidèle des faits.

Après Venise, le film entamera une tournée internationale, avec des stops programmés à Toronto, Londres, Saint-Sébastien et Busan. Sa distribution en salles, prévue en Tunisie mi-septembre, reste en revanche incertaine en Europe et aux États-Unis, où aucun distributeur n’est pour l’instant officiellement attaché au projet. Reste que la démarche de Kaouther Ben Hania dépasse le cadre cinématographique. Elle questionne la responsabilité des créateurs et la puissance des images face à l’indicible.

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