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Dix ans après, la vie malgré tout

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Une décennie après les attentats du 13 novembre 2015, survivants et proches des victimes poursuivent leur chemin de reconstruction, entre douleur persistante et résilience silencieuse.

Le temps a passé mais les séquelles demeurent. Eva, blessée devant le bar La Belle Équipe, porte encore les marques physiques de cette soirée. Atteinte de plusieurs balles, elle a subi l’amputation d’une jambe. Aujourd’hui équipée d’une prothèse, cette Parisienne de trente-cinq ans affirme aller « plutôt bien » tout en reconnaissant les difficultés quotidiennes. La confiance en son corps et en autrui reste fragile, particulièrement dans sa vie professionnelle et sentimentale. Elle suit désormais une formation au Sénégal pour monter son entreprise.

Bilal Mokono, présent près du Stade de France ce soir-là, vit confiné dans un fauteuil roulant. Son cerveau ne commande plus ses jambes, comme si la connexion s’était interrompue. Des troubles auditifs et la faiblesse persistante d’un bras complètent son handicap. Les nuits demeurent difficiles, hantées par le souvenir de l’événement.

Pour Sophie Dias, fille de Manuel Dias, seule personne tuée au Stade de France, l’absence reste une compagne quotidienne. La quadragénaire se dit encore très vulnérable, incapable d’emprunter les transports en commun ou de fréquenter les lieux publics. Elle redoute que la mémoire de son père ne s’efface avec le temps.

D’autres, comme Fabien Petit, dont le beau-frère fut tué à La Bonne Bière, tentent de tourner la page. Il estime nécessaire de ne pas vivre uniquement dans le souvenir du drame, malgré les séances psychiatriques et les moments de découragement. Le procès de 2021-2022 a constitué une étape importante dans son processus de reconstruction.

L’écriture a servi d’exutoire à plusieurs rescapés. Aurélie Silvestre, compagne de Matthieu Giroud décédé au Bataclan, a publié un second ouvrage pour raconter le procès. Mère de deux enfants qu’elle élève seule, elle affirme aller bien tout en reconnaissant la complexité de sa situation. Son réseau affectif se compose majoritairement d’autres victimes, avec lesquelles elle partage rires et larmes.

Eric Ouzounian, dont la fille Lola mourut au Bataclan à dix-sept ans, confirme l’impossibilité du deuil parental. Le journaliste maintient ses critiques sur la responsabilité de l’État dans les conditions ayant permis ces attentats, déplorant l’absence de remise en question des anciens présidents.

Roman, rescapé de La Belle Équipe, craint l’effacement progressif de la mémoire des attaques hors du Bataclan. Devenu professeur d’histoire-géographie, il voit dans l’enseignement un moyen de transmission et de prévention. Les recherches menées sur la mémoire collective confirment la place prédominante du Bataclan dans le souvenir national, au détriment des autres lieux touchés.

Ces parcours individuels dessinent une cartographie complexe du trauma et de la résilience, où chacun compose à sa manière avec l’absence et la reconstruction.

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