C’est du jamais vu dans les prisons françaises. Au 1er novembre, plus de 75.000 personnes étaient incarcérées pour seulement environ 61.000 places disponibles.
Une situation alarmante frappe les prisons françaises alors que la surpopulation carcérale atteint des niveaux inédits. Au 1er novembre de cette année, plus de 75 000 personnes étaient incarcérées dans un système pénitentiaire qui ne dispose que d’environ 61 000 places disponibles, selon les données récemment publiées par le ministère de la Justice.
Cette surpopulation carcérale, en constante augmentation depuis la fin de l’année 2022, est un défi majeur pour le système pénitentiaire français. La crise sanitaire du Covid-19 avait initialement fait chuter le nombre de détenus, mais la courbe s’est rapidement inversée. En avril, le seuil des 73 000 personnes incarcérées avait été franchi pour la première fois, suivi par le dépassement des 74 000 en juillet.
La densité carcérale globale atteint désormais 123,2 %, contre 120 % il y a un an. Dans les maisons d’arrêt, où sont incarcérés les détenus en attente de jugement et ceux condamnés à de courtes peines, le taux d’occupation atteint un alarmant 147,6 %. Dans certains établissements, ce taux dépasse même les 200 %.
Les statistiques de l’administration pénitentiaire indiquent qu’actuellement, 17 064 personnes détenues se trouvent en surnombre par rapport aux capacités des prisons françaises, ce qui oblige 2 668 détenus à dormir sur un matelas posé à même le sol. Cette situation représente une augmentation par rapport à l’année précédente, où 2 225 détenus étaient concernés.
Parmi les personnes incarcérées, près de 27 % sont des prévenus, incarcérés en attendant leur jugement. Au 1er novembre, un total de 90 817 personnes étaient sous écrou, dont 15 687 étaient non détenues et bénéficiaient d’un placement sous bracelet électronique ou d’un placement à l’extérieur.
La surpopulation carcérale en France pose également un défi financier considérable, coûtant environ 4 milliards d’euros par an, selon un rapport de la Cour des comptes du mois dernier. La Cour a souligné que le fonctionnement actuel du système carcéral n’était pas satisfaisant.
Plusieurs causes ont été identifiées pour expliquer cette surpopulation carcérale, notamment une « répression accrue » pour certains crimes et délits, tels que les violences intrafamiliales, les délits routiers et les violences envers les forces de l’ordre, ainsi qu’une « augmentation du recours aux comparutions immédiates et le maintien, à un niveau élevé, du taux de détention provisoire ».
La France est régulièrement critiquée pour sa surpopulation carcérale, notamment par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), qui a émis une condamnation en juillet.
Alors que les Jeux olympiques de Paris 2024 approchent, les autorités ont annoncé un objectif « zéro délinquance ». Cependant, cela pourrait entraîner une augmentation des incarcérations, car les juridictions se préparent à multiplier les audiences de comparution immédiate. Plusieurs associations et institutions, dont l’Observatoire international des prisons (OIP) et le Conseil économique social et environnemental (CESE), appellent à la mise en place d’un dispositif contraignant de régulation de la population carcérale.
Le CESE a souligné que « la peine n’a pas de sens quand ses conditions d’exécution ne sont pas dignes », tandis que la contrôleure générale des prisons (CGLPL), Dominique Simonnot, a appelé à l’inscription dans la loi d’un dispositif permettant de maîtriser la surpopulation carcérale.
Le garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, estime que la construction de nouvelles places de prison est la première solution pour lutter contre la surpopulation carcérale. Le gouvernement prévoit ainsi de construire 15 000 nouvelles places de prison d’ici à 2027 pour faire face à ce problème persistant.