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Pilule abortive : risque-t-on une pénurie en France ?

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Pour avorter en France, il faut avaler deux pillules : d’abord le Mifépristone, chargé d’arrêter la grossesse, et ensuite le misoprostol, chargé de déclencher l’évacuation de l’embryon.

Après le paracétamol, l’amoxicilline… Risque-t-on de manquer de pilule abortive ? Alors qu’aux Etats-Unis la bataille fait de nouveau rage autour de l’IVG, des pharmacies du nord de la France se seraient retrouvées dans l’incapacité de fournir une des composantes de l’avortement médicamenteux, le misoprostol. Il « est porté disparu dans la totalité des pharmacies à Lille et à différents endroits en région parisienne », a ainsi alerté vendredi, sur Twitter, l’association de veille pharmaceutique OTmeds, alors que ce médicament intervient dans 76 % des IVG en France, selon la Drees.

De nombreuses organisations associatives et personnalités politiques ont immédiatement réagi. Plusieurs figures de la Nupes – dont Sandrine Rousseau et François Ruffin -, du Planning familial et de la Fondation des femmes ont relayé l’alerte. Le sujet est sensible : aux Etats-Unis, l’autre molécule nécessaire à l’avortement chimique, le mifépristone, fait actuellement l’objet d’un affrontement juridique menaçant sa prescription.

« Cette indisponibilité compromet concrètement le droit à l’IVG », a affirmé Clémence Guetté, députée LFI-Nupes Val-de-Marne. « Je vais interpeller par écrit François Braun (NDLR : le ministre de la Santé) sur cette situation et sur les mesures qui s’imposent », a également annoncé Pascale Martin, députée LFI-Nupes de Dordogne. Le lendemain, la situation à Lille semblait rétablie, d’après France 3. « Il y a eu une période très délicate. Une sage-femme a cherché à s’en procurer dans une vingtaine de pharmacies, pendant une semaine sans succès. Il semble que la situation ait été rétablie mais le problème est récurrent », précise auprès de L’Express Jérôme Martin, cofondateur d’OTmeds.

Si la pénurie a été ponctuelle, de telles alertes se multiplient ces dernières semaines à l’échelle du territoire, et font craindre une limitation de l’accès à l’avortement, à cause de trop grands délais pour se procurer la molécule. « La situation ne peut plus durer ! Nous sonnons le signal d’alarme et alertons François Braun. Des mesures doivent être prises pour que l’accès à l’IVG ne soit pas restreint », a également souligné le Planning Familial le 14 avril, toujours sur Twitter.

Le misoprostol, nécessaire à l’expulsion de l’embryon, fait l’objet de « tensions d’approvisionnement » depuis le début de l’année 2023, selon un communiqué de l’Agence nationale de sécurité du médicament paru le 9 mars dernier. Le fabricant, Nordic Pharma, reconnaît de son côté des « difficultés au niveau des sites de fabrication des produits finis ».

Le retour à la normale est prévu pour la « fin avril 2023 ». Mais la filière est profondément vulnérable. « La production des médicaments utilisés pour les IVG médicamenteuses est dans les mains d’un seul producteur, le groupe Nordic Pharma, avec des risques de rupture de production et d’approvisionnement et de pression sur les prix », alertait déjà en mai 2020 le Haut Conseil à l’égalité (HCE).

Si les grossistes et les hôpitaux peuvent puiser dans des stocks de précaution de quatre mois, la situation demeure délicate. « En cas d’impureté, comme c’est visiblement le cas en ce moment, la production ralentit ou s’arrête, et il n’y a pas assez de sites pour prendre le relais. Par ailleurs, ce monopole rend la molécule particulièrement sensible au pouvoir de nuisance des groupes de pression anti-IVG, qui pourraient facilement provoquer des blocages », détaille Jérôme Martin, le cofondateur d’OTmeds.

En juin 2022, après la décision de la Cour suprême de ne plus garantir le droit américain à l’avortement, première étape de l’affrontement actuel aux Etats-Unis, la présidente du HCE Sylvie Pierre-Brossolette faisait état de ses inquiétudes quand à ce système. « Il faut […] relocaliser en France la production (américaine) de la pilule abortive », affirmait-elle sur Twitter.

Faut-il craindre un effet ricochet, alors que ces médicaments sont dans le viseur des militants anti-avortement aux Etats-Unis, et que leur accès a été temporairement maintenu par le temple du droit américain ? Il y a trois ans, le HCE rappelait qu’un tel scénario n’est pas improbable : en 1994, menacé par le boycott des anti-IVG, le groupe pharmaceutique Hoechst Roussel décidait alors d’abandonner purement et simplement la production du Mifépristone. Laissant ainsi, à terme, Nordic Pharma seul sur le marché mondial.

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