La deuxième manifestation contre les bassines, samedi à La Rochelle, a été plus tendue que celle de vendredi dans la Vienne, des heurts ayant éclaté avec les forces de l’ordre lors de la dislocation d’un des cortèges qui se dirigeaient vers le port de commerce, leur cible de la journée.
Jusqu’à 10.000 personnes y ont pris part selon les organisateurs, 6.000 dont 500 « black blocs » selon le parquet. Les autorités avaient une nouvelle fois mis en garde contre des affrontements face à la présence de « plusieurs centaines d’individus radicaux » et déployé un très important dispositif de sécurité. Tôt le matin, environ 200 manifestants l’ont déjoué en s’introduisant par surprise, du pont de l’Île-de-Ré, dans le terminal agro-industriel du port de La Pallice, délogés ensuite dans le calme par les gendarmes. Mais le port de commerce est resté l’objectif des deux cortèges qui se sont élancés en début d’après-midi du centre-ville, l’un familial et festif, l’autre qui incluait les « black blocs ».
Vers 13H30, des gendarmes ont chargé à l’arrière de ce cortège, avec tirs de grenades lacrymogènes et coups de matraque, après des dégradations d’abribus et de commerces notamment. « On respectait le fait de ne pas faire d’intrusion sur le site (du port de commerce, NDLR). C’était ce qu’ils craignaient mais c’était le deal. Et le deal a été rompu », a déploré Juliette Rivière, porte-parole du mouvement écologiste des Soulèvements de la Terre, l’un des organisateurs. La dislocation du cortège a été suivie d’affrontements avec barricades, feux de poubelles, dégradations, jets de projectiles et de grenades lacrymogènes.
Selon un bilan du parquet de La Rochelle, quatre membres de forces de l’ordre et cinq manifestants ont été blessés, tous légèrement. Sept personnes ont été arrêtées, pour des faits d’intrusion au port et dans un Ehpad, et d’association de malfaiteurs. Des vols d’alcool et d’argent ont eu lieu dans le supermarché. L’autre cortège avait longé le bord de mer pour s’approcher à pied, certains en kayaks, du port de La Pallice. « On a réussi à montrer ce qu’on souhaitait, la place de ce port agro-industriel et de ses acteurs céréaliers dans le bassinage de nos territoires », a déclaré Julien Le Guet, du collectif « Bassines Non Merci ».
« L’encerclement » annoncé du port visait à dénoncer les grands acteurs de la filière céréalière que les organisateurs associent à la construction des réserves d’eau contestées. La préfecture de Charente-Maritime, craignant des violences, avait interdit tout rassemblement dans la ville, très fréquentée par les touristes en cette période estivale. « On n’avait pas pour objectif d’aller au contact des forces de l’ordre, c’est souvent les forces de l’ordre qui ont pour objectif d’aller au contact avec nous », a affirmé Juliette Rivière, des Soulèvements de la Terre.
Vendredi, la première a rassemblé des milliers de personnes dans la Vienne mais a été interrompue quand des grenades lacrymogènes lancées par les forces de l’ordre ont mis le feu à un champ de paille près du cortège. Plus de 3.000 gendarmes et policiers étaient mobilisés cette semaine dans le dispositif entourant ces manifestations, non déclarées et interdites. Il y a quinze mois à Sainte-Soline (Deux-Sèvres), lors d’une précédente mobilisation de milliers de personnes, de violents affrontements avaient opposé militants radicaux et forces de l’ordre, faisant de nombreux blessés de part et d’autre. Deux manifestants étaient restés plusieurs jours dans le coma.
« Nous, on a su modifier notre logiciel depuis car on a vu de quoi ils étaient capables », affirme Julien Le Guet en dénonçant « le montant exubérant d’argent public » dépensé pour le dispositif policier. Les réserves dites « de substitution » visent à stocker des millions de mètres cubes d’eau puisés dans les nappes phréatiques en hiver afin d’irriguer des cultures en été. Plusieurs dizaines sont en projet dans la région. Leurs partisans en font une condition de survie des exploitations face aux sécheresses récurrentes, là où leurs détracteurs dénoncent un « accaparement » de l’eau par l’agro-industrie.