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L’ombre des barreaux sur la parentalité

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Des milliers d’enfants voient grandir l’absence d’un parent incarcéré, confrontés au silence et à la difficile préservation du lien familial.

En France, près d’un détenu sur deux est parent. Derrière les murs, la question de la parentalité se pose avec une acuité particulière, tiraillée entre la honte, l’éloignement et la crainte de l’oubli. Beaucoup, comme Yacine, ancien détenu, ont choisi de taire la vérité à leurs enfants, inventant un long voyage plutôt que d’affronter le poids du réel. Les conséquences psychologiques sur les jeunes sont souvent tangibles – stress, difficultés scolaires, troubles cutanés – et révèlent toute la complexité de ces situations familiales fracturées.

Selon les dernières données disponibles, plus de 95 000 enfants ont leur père derrière les barreaux, et plus de 3 300 leur mère. Un phénomène massif qui interroge la notion de « parentalité empêchée », selon l’expression de Pascal Roman, professeur de psychologie clinique. La privation de liberté ne devrait pourtant pas signifier privation des droits parentaux, rappelle Marie Douris, spécialiste du droit familial. Mais les obstacles sont nombreux – éloignement géographique, rareté des parloirs, réticence de l’autre parent – et fragilisent encore un peu plus des liens déjà distendus.

Pour ceux qui sont incarcérés, le quotidien est marqué par l’absence. Certains évitent même d’afficher des photos de leurs enfants dans leur cellule, de peur que cette présence fantôme ne ravive une douleur trop vive. À leur sortie, le défi est tout aussi grand. Retrouver des enfants qui ont grandi, s’être absenté des premières fois, des rires et des larmes, impose une reconstruction patiente, souvent accompagnée par des structures associatives.

Les inégalités entre pères et mères détenus sont également criantes. Les femmes reçoivent généralement moins de visites, les pères restant moins assidus aux parloirs que les mères. Résultat, le risque de rupture définitive du lien parental s’en trouve accru. Face à cela, la possession illégale de téléphones portables en détention devient pour certains une alternative pragmatique, contournant des appels téléphoniques officiels jugés prohibitifs.

Des voix s’élèvent pour dénoncer des conditions de visite inadaptées – parloirs sombres, ambiance pesante – qui dissuadent certaines familles de maintenir le contact. Malgré tout, des initiatives comme Wake Up Café accompagnent les anciens détenus dans leur réinsertion et les aident à renouer, pas à pas, avec une parentalité longtemps suspendue. Car comme le souligne Christian, lui aussi passé par la case prison, certaines absences sont irrattrapables. Les premiers mots, les premiers pas, autant de moments uniques qui, une fois passés, ne reviennent jamais.

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