Face au rapprochement inattendu entre les États-Unis de Trump et la Russie, Emmanuel Macron propose un débat sur une dissuasion nucléaire européenne. Une initiative qui divise déjà la classe politique française et européenne.
Alors que les tensions entre Washington et Moscou semblent s’apaiser, le président français a relancé une discussion sensible, celle d’un « parapluie nucléaire » européen. Cette proposition intervient après les échanges tendus entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky, qui ont suscité des craintes quant à un possible désengagement américain en Ukraine et une remise en question de l’alliance transatlantique.
Emmanuel Macron, dont le pays est l’une des deux puissances nucléaires de l’Union européenne avec le Royaume-Uni, a déclaré être prêt à « ouvrir la discussion » sur une dissuasion commune. Cette initiative répond aux inquiétudes exprimées par le futur chancelier allemand Friedrich Merz, qui a appelé l’Europe à se préparer à un scénario où l’OTAN ne bénéficierait plus de la garantie de sécurité américaine.
Cependant, cette idée ne fait pas l’unanimité. Marine Le Pen, leader du Rassemblement national, a fermement rejeté l’idée d’une dissuasion nucléaire partagée. Pour elle, la France doit conserver son autonomie en la matière. « La dissuasion nucléaire doit rester française », a-t-elle affirmé, tout en minimisant les tensions récentes entre Trump et Zelensky.
De son côté, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a rappelé que la dissuasion française resterait sous contrôle national, tout en soulignant que les intérêts vitaux de la France avaient une « dimension européenne ». Emmanuel Macron propose ainsi un « dialogue stratégique » avec les pays européens non dotés de l’arme nucléaire, afin de réduire leur dépendance vis-à-vis des États-Unis.
Cette proposition divise également au sein de la gauche. Jean-Luc Mélenchon, chef de file de La France insoumise, s’est opposé à l’idée d’une défense européenne, dénonçant une « servilité atlantiste ». À l’inverse, les partisans d’une Europe plus intégrée, comme Valérie Hayer, présidente du groupe Renew au Parlement européen, soutiennent l’idée d’un parapluie nucléaire français étendu aux partenaires européens.
Cependant, la mise en œuvre d’une telle dissuasion européenne se heurte à des obstacles majeurs, notamment l’autonomie de décision revendiquée par la France. Depuis l’époque du général de Gaulle, la dissuasion nucléaire française repose sur l’indépendance et la capacité du président à évaluer seul les menaces pesant sur les intérêts vitaux du pays.
En 2020, Emmanuel Macron avait déjà évoqué la « dimension européenne » des intérêts vitaux français, suscitant des débats. En avril 2024, il avait également ouvert la porte à une défense européenne incluant l’arme nucléaire. Aujourd’hui, il réaffirme que la doctrine nucléaire française doit conserver une part de « mystère » pour rester efficace.
Alors que les dirigeants européens se réunissent pour discuter de l’Ukraine et de la sécurité, la question d’une dissuasion nucléaire commune reste en suspens. Entre ambitions européennes et réalités stratégiques, le débat promet d’être long et complexe.