_**Près de trois décennies après les faits, la justice française examine l’attaque meurtrière visant l’opposant Sam Rainsy. Un procès par défaut qui met en lumière les tensions politiques au Cambodge.**_
Le procès de deux anciens membres de la garde rapprochée de l’ex-Premier ministre cambodgien Hun Sen s’est ouvert ce mercredi à Paris. Les accusés, Hing Bun Heang et Huy Piseth, sont poursuivis pour leur implication présumée dans un attentat à la grenade perpétré en 1997 contre Sam Rainsy, figure emblématique de l’opposition cambodgienne. À l’époque, l’attaque avait fait 16 morts et plus de 150 blessés lors d’un rassemblement à Phnom Penh.
Ce procès se déroule en l’absence des deux hommes, toujours résidents au Cambodge et visés par un mandat d’arrêt international depuis 2020. Ils risquent la réclusion criminelle à perpétuité pour complicité de tentative d’assassinat. Dans la salle d’audience, seuls Sam Rainsy et son épouse occupent les bancs des parties civiles, tandis que les avocats de la défense et les accusés brillent par leur absence.
Sam Rainsy, aujourd’hui âgé de 76 ans, a témoigné avec émotion devant la cour. Naturalisé français en 1974, il a décrit avec précision les scènes de chaos qui ont suivi l’explosion des grenades. « Je revois les morts, les blessés, les flaques de sang. Cette scène continue de me hanter », a-t-il déclaré, ajoutant que cet événement reste gravé dans sa mémoire comme s’il s’était produit hier.
L’enquête, menée pendant plus de deux décennies, s’est appuyée sur des rapports du FBI, des Nations unies, du Sénat américain et de l’ONG Human Rights Watch. Les investigations ont permis d’établir que Hing Bun Heang aurait recruté les auteurs de l’attentat, tandis que Huy Piseth aurait facilité leur fuite. Ces conclusions ont conduit à la tenue de ce procès historique.
Depuis le Cambodge, Hing Bun Heang a nié toute implication dans l’attaque, qualifiant Sam Rainsy de « politicien dérangé ». Il a également lancé un défi à la justice française, affirmant qu’il n’avait « aucune inquiétude » et invitant ses accusateurs à le poursuivre sur son sol natal.
Ce procès met en lumière les méthodes autoritaires de Hun Sen, qui a dirigé le Cambodge pendant près de 40 ans avant de céder le pouvoir à son fils en 2023. Durant son règne, il a systématiquement réprimé l’opposition, muselé la presse et utilisé le système judiciaire pour éliminer ses adversaires politiques.
Sam Rainsy, qui vit en exil en France depuis de nombreuses années, a souligné l’importance de ce procès pour empêcher que de tels actes ne se reproduisent. « Il faut tout faire pour que tout ça ne se reproduise plus », a-t-il insisté, face aux images sanglantes projetées dans la salle d’audience.
Le verdict est attendu pour le 21 mars. Ce procès, bien que symbolique en l’absence des accusés, représente une étape cruciale dans la quête de justice pour les victimes et leurs familles, tout en rappelant les luttes politiques qui continuent de secouer le Cambodge.