Les Forges de Tarbes, un site stratégique pour l’effort de guerre européen, voit sa production d’obus exploser grâce à la demande croissante liée au conflit en Ukraine et au réarmement des armées du Vieux Continent.
Situées dans les Hautes-Pyrénées, les Forges de Tarbes, propriété de l’entreprise Europlasma, sont devenues un maillon essentiel de la production d’obus en France. Après avoir frôlé la liquidation en 2021, le site est aujourd’hui en pleine expansion. Il fabrique des corps d’obus de 155 mm, standard Otan, et de 152 mm, standard Pacte de Varsovie, destinés à l’Ukraine et aux forces armées européennes. Ces pièces sont ensuite acheminées vers KNDS (ex-Nexter) pour y être équipées de leur charge explosive.
En 2022, la production était quasi à l’arrêt. Aujourd’hui, elle atteint près de 60.000 unités par an, avec un objectif de 15.000 obus par mois d’ici la fin de l’année. Une progression spectaculaire, bien que loin des 50.000 obus produits quotidiennement par la Russie. Pour répondre à cette demande, Europlasma envisage de doubler sa capacité de production, avec un potentiel maximal de 20.000 obus par jour.
Le conflit en Ukraine a certes dopé les commandes, mais l’activité des Forges de Tarbes ne se limite pas à ce théâtre d’opérations. Récemment, un contrat a été signé avec la République tchèque pour 50.000 obus, dont 31.000 seront livrés en 2025. Par ailleurs, Europlasma prévoit d’étendre ses activités en rachetant des sites industriels, comme Valdunes dans le Nord, pour y produire des obus de gros calibre, ou les Fonderies de Bretagne, où elle envisage de fabriquer 20.000 obus de 120 mm par jour.
Cependant, cette montée en puissance se heurte à des défis majeurs. Le recrutement de main-d’œuvre qualifiée, notamment des chaudronniers, forgerons et soudeurs, reste difficile. De plus, les délais de livraison des machines-outils et des moules nécessaires à la fabrication des ogives ont doublé en raison de la forte demande mondiale.
La France a déjà livré 30.000 obus à l’Ukraine depuis le début du conflit, avec un objectif de 80.000 unités pour 2025. Cette dynamique s’inscrit dans un contexte plus large de réarmement européen. Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a récemment appelé à une augmentation rapide des capacités de défense du continent. Selon Léo Peria-Peigné, spécialiste de l’armement à l’IFRI, l’Europe produit désormais près de deux millions d’obus par an, contre 300.000 à 400.000 avant la guerre en Ukraine. Une tendance qui devrait se poursuivre si les engagements politiques se traduisent en actes concrets.