Ce mardi, un accord a été trouvé par les députés et les sénateurs de la commission mixte paritaire sur le projet de loi immigration, a annoncé Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur. Le Rassemblement national a annoncé qu’il votera le texte.
Après avoir interrompu ses travaux la nuit dernière, faute de pouvoir s’entendre, les députés et les sénateurs qui composent la commission mixte paritaire ont trouvé un accord ce mardi sur le projet de loi immigration, annonce Gérald Darmanin. Un accord trouvé avec le soutien de la droite et celui très controversé de l’extrême droite.
Le ministre de l’Intérieur s’est félicité de l' »accord », estimant que ses mesures « protègent les Français ». Le texte doit désormais franchir l’étape du vote dans les deux chambres, prévu dans la soirée. La CMP, composée de sept sénateurs et sept députés, avait commencé ses travaux à 17h00 lundi puis les avait repris à 10h30 après une nuit chaotique.
La question inflammable d’une durée de résidence minimale en France pour que les étrangers non européens en situation régulière puissent toucher des prestations sociales avait failli faire capoter les tractations finales. La droite voulait instaurer un minimum de cinq ans pour ouvrir le droit aux allocations familiales, aux aides au logement (APL) ou encore à la prestation de compensation du handicap (PCH).
Selon des sources parlementaires, le compromis scellé mardi au forceps est notamment basé sur une distinction entre les étrangers non communautaires selon qu’ils sont ou non « en situation d’emploi ». Pour les allocations familiales, le droit opposable au logement ou encore l’allocation personnalisée d’autonomie, un délai de cinq ans est ainsi prévu pour ceux qui ne travaillent pas. Il est de trente mois pour ceux qui sont en situation d’emploi.
Pour l’accès aux APL, qui a été le principal point d’achoppement, une condition de résidence est fixée à cinq ans pour ceux qui ne travaillent pas et de trois mois pour les autres. Les nouvelles restrictions ne s’appliquent pas aux étudiants étrangers. Sont par ailleurs exclus de toutes ces mesures les réfugiés ou encore les titulaires d’une carte de résident.
Dans la foulée, Marine Le Pen a annoncé que les députés de son parti (RN) voteront le texte. « Cette loi devient une loi de durcissement des conditions de l’immigration, nous allons donc voter ce texte », a-t-elle déclaré.
« On peut se réjouir d’une avancée idéologique, d’une victoire même idéologique du Rassemblement national, puisqu’il est inscrit maintenant dans cette loi la priorité nationale, c’est-à-dire l’avantage donné aux Français par rapport aux étrangers présents sur notre territoire dans l’accès à un certain nombre de prestations sociales qui sont aujourd’hui soumises pour les étrangers à des conditions pas assez sévères à notre goût », a-t-elle ajouté.
À l’inverse, Gérald Darmanin estime qu’il s’agit d’une « défaite pour Marine Le Pen » car cela signifie « qu’elle est pour un texte pour la régularisation des sans-papiers ». Le ministre de l’Intérieur estime que « ce texte, c’est la priorité aux travailleurs, qu’ils soient Français ou étrangers ».
« Nous avons rejeté un texte impuissant pour construire un texte cohérent et utile aux Français », évoque Eric Ciotti sur X. « La CMP vient d’approuver un texte très largement défendu et proposé par les Républicains ». « L’opposition est efficace quand elle fait avancer l’intérêt du pays », ajoute le patron des Républicains.
« C’est une véritable tournant », s’est enthousiasmé le patron des sénateurs LR, Bruno Retailleau,sur X. « Cette CMP conclusive est un succès pour le Sénat : 90% de notre texte, le seul voté par le Parlement, a été logiquement repris », salue-t-il. « C’est un véritable tournant, qui va permettre de réduire les entrées et d’augmenter les départs ».
« Pour la première fois depuis longtemps, la France se donne les moyens de reprendre le contrôle de sa politique migratoire », termine-t-il.
« L’extrême-droite va donc voter pour le texte ignoble de Madame Borne. Le naufrage est complet, le déshonneur est total », a dénoncé ce mardi sur X le coordinateur de La France insoumise, Manuel Bompard, après l’accord conclu entre les parlementaires en CMP sur la loi immigration.
« Droit du sol attaqué, préférence nationale… tout s’éteint au pays des Lumières », dénonce Mathilde Panot sur X. La présidente du groupe LFI à l’Assemblée nationale a déploré sur le réseau social un gouvernement qui « se fond dans le lepénisme et enfonce le pays dans les pires fantasmes racistes et xénophobes ». Elle appelle l’Assemblée nationale à « empêcher le pire et voter la motion de rejet ».
« L’histoire se rappellera de ceux qui, d’une semaine à l’autre, ont trahi leurs convictions pour appliquer le programme du RN sous ses applaudissements », a dénoncé sur X le premier secrétaire du PS, Olivier Faure. Le chef des députés PS, Boris Vallaud, a dénoncé « un grand moment de déshonneur ».
De son côté, le député PCF Fabien Roussel a déploré que la France aura « un texte sur l’immigration plus dur que dans l’Italie de Giorgia Meloni ».
Lors d’une séance houleuse à l’Assemblée nationale, la Première ministre a rejeté les accusations de l’opposition de gauche d' »amalgame » du texte sur l’immigration. « Je ne peux pas laisser dire n’importe quoi sur le contenu de notre texte », a lancé Elisabeth Borne au chef de file des députés communistes André Chassaigne.
« Sortez des slogans, des postures », « en voulant faire l’amalgame entre notre texte et les positions de l’extrême droite. Les mots, les mots ont un sens », a-t-elle ajouté sous les hurlements des rangs de la gauche, durant les questions au gouvernement.
André Chassaigne venait de prier les parlementaires qui voteront sur ce texte de ne pas « ajouter le déshonneur à la compromission », applaudi par les députés de gauche debout. « L’extrême droite, c’est le rejet des étrangers par principe, parce qu’ils sont étrangers. L’extrême droite, c’est la préférence nationale. Nous, nous croyons dans l’intégration par le travail », a fait valoir la cheffe du gouvernement, en défendant un projet de loi « efficace » et « conforme (…) aux valeurs républicaines ».
« Ce qui est dans le texte, c’est l’interdiction de placer des mineurs en rétention administrative » ou « la régularisation de celles et ceux qui travaillent sans avoir besoin de l’accord de l’employeur » et « la gauche ne l’a pas fait », a-t-elle ajouté. Elisabeth Borne a accusé à l’inverse la gauche d’être face à l’extrême droite « dans la collusion ». « Nous, nous la combattons », a-t-elle assuré.
Des organisations de défense des immigrés ont dénoncé mardi l’accord politique trouvé au Parlement autour du projet de loi sur l’immigration, « le plus régressif depuis au moins 40 ans » en France selon associations et syndicats, qui déplorent un texte à la « xénophobie décomplexée ».
Le texte, sur lequel députés et sénateurs réunis en commission mixte paritaire (CMP) ont trouvé un accord, « n’est ni plus ni moins désormais que le projet de loi le plus régressif depuis au moins 40 ans pour les droits et conditions de vie des personnes étrangères, y compris celles présentes depuis longtemps en France », ont déploré dans un communiqué commun une cinquantaine d’associations, syndicats et ONG, dont la Ligue des droits de l’homme.
Une dizaine d’organisations de jeunesse appellent notamment à un rassemblement place des Invalides à Paris à 18h ce mardi. Dans un communiqué publié sur X, les Jeunes Insoumis dénoncent « le racisme du projet de loi immigration » et demandent « son retrait immédiat ».
Les autres organisations à l’initiative de ce rassemblement sont l’Unef, l’Union étudiante, l’Union syndicale lycéenne, les Jeunes socialistes, les Jeunes écologistes, les Jeunes générations, le Mouvement des jeunes communistes de France et l’Union des étudiants communistes.