Prenant de court le monde politique et syndical, Emmanuel Macron a annoncé lundi le report au 10 janvier de la présentation de la réforme des retraites, affirmant vouloir laisser aux partenaires sociaux et aux nouveaux dirigeants LR et EELV le temps « d’échanger » avec l’exécutif sur ce texte très contesté.
« Cela permet d’avoir quelques semaines de plus pour que celles et ceux qui (…) viennent de prendre des responsabilités puissent, sur quelques éléments-clés de la réforme, échanger avec le gouvernement », a déclaré le chef de l’Etat en ouvrant la deuxième session plénière du Conseil national de la refondation (CNR) à l’ELysée.
Emmanuel Macron s’est justifié en évoquant les élections dans la fonction publique qui « ont empêché certaines discussions avec les organisations syndicales » et les congrès politiques du week-end dernier, à l’issue desquels Eric Ciotti a été élu à la tête des Républicains et Marine Tondelier désignée secrétaire nationale d’Europe Ecologie-Les Verts.
« Le gouvernement ne sait pas encore très bien où il va. Leur texte n’est pas prêt », a réagi Eric Ciotti. « Pour l’instant je ressens cela comme un alibi aux hésitations, plus qu’un souci de négociation », a ajouté le député des Alpes-Maritimes.
L’exécutif avait initialement prévu de présenter ce jeudi, à quelques jours de Noël, les grandes lignes de ce texte, pierre angulaire du second quinquennat d’Emmanuel Macron.
Nombre d’opposants avaient annoncé se préparer à le bloquer par tous les moyens, de la rue au Parlement, la France insoumise appelant notamment à une mobilisation le 21 janvier, dans la lignée de sa « marche contre la vie chère ».
« Première victoire! «
« Première victoire! Le projet de retraite à 65 ans n’est pas encore présenté que Macron bat déjà en retraite », a réagi sur Twitter Mathilde Panot, à la tête des députés LFI, confirmant l’action du 21 janvier.
Le gouvernement a rapidement précisé le calendrier des prochaines semaines.
Elisabeth Borne va débuter « une série de rencontres avec les présidents de groupes parlementaires » mardi et mercredi, a-t-on indiqué du côté de Matignon. Elle recevra à nouveau « les organisations professionnelles et les organisations syndicales la semaine du 2 janvier », a-t-on ajouté.
Le texte devrait ensuite être adopté par le Conseil des ministres le 18 ou 25 janvier.
Pour préparer les esprits, l’exécutif multiplie les entretiens à la presse, les réunions de travail à Matignon et les dîners au sommet à l’Elysée.
Mais les annonces de la Première ministre semblent courues d’avance, balisées par la promesse présidentielle de repousser l’âge légal de 62 à 64 voire 65 ans. Cette dernière hypothèse tient la corde.
Les organisations syndicales ont acté le report, s’interrogeant sur les motivations de l’exécutif.
« Je pense que l’exécutif est très inquiet – et il a raison – de ce que va être la mobilisation en janvier », a relevé François Hommeril, président de la CFE-CGC. Il « s’est mis lui-même dans l’impasse (…) Prolonger cette concertation de deux semaines ou d’un mois ne change rien ».
Du côté de la CFTC, on se voulait un peu plus optimiste. « C’est une bonne chose. L’agenda allait trop vite, on n’avait pas le temps d’être écoutés, on travaillait dans l’urgence », a réagi Pascale Coton, vice-présidente de l’organisation. « On espère que ce n’est pas juste pour que les Français passent de bonnes vacances et de bonnes fêtes ».
« Si le gouvernement prend du temps pour nous écouter, peut-être qu’on arrivera à le convaincre. Mais si c’est simplement pour gagner du temps… », a déclaré de son côté Dominique Corona, secrétaire général adjoint de l’Unsa.
Malgré ce report, le gouvernement veut toujours aller vite: un projet de loi en janvier, un vote au printemps, une entrée en vigueur à l’été. Une urgence justifiée par l’exécutif par le retour durable de déficits massifs, qui dépasseraient 12 milliards en 2027.