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Réforme agraire en Afrique du Sud : Un modèle de coopération qui porte ses fruits

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Trois décennies après la fin de l’apartheid, une initiative rare alliant fermiers noirs et blancs redonne vie à des terres autrefois confisquées.

Au cœur de la région de Kaalrug, près de Malalane, s’étendent des vergers luxuriants où papayes, bananes et litchis poussent sous le soleil sud-africain. Ces terres, dont des milliers de familles noires furent chassées pendant l’apartheid, renaissent aujourd’hui grâce à un partenariat inédit. Bernard Shabangu, avocat de 48 ans, incarne cette renaissance. Issu d’une communauté spoliée, il participe à un projet agricole collaboratif rassemblant anciens propriétaires blancs et nouveaux exploitants noirs.

En 1998, près de 1 850 familles de Matsamo ont réclamé ces terres, restituées progressivement à partir de 2010. Plutôt que d’exclure les fermiers blancs, elles ont choisi de s’associer à eux. « Nous avions besoin de leur expertise et de leurs réseaux commerciaux », explique Shabangu. Résultat, la Matsamo Community Property Association gère désormais plus de 14 000 hectares, devenant le premier producteur de litchis du pays et employant 5 000 personnes.

Ce modèle contraste avec les échecs fréquents de la réforme agraire sud-africaine. Trente ans après la promesse de redistribuer 30 % des terres aux Noirs, moins de 25 % ont changé de mains, selon les estimations officielles. Les obstacles sont nombreux, corruption, manque de financements et absence de titres de propriété transférables. « Sans capital ni droit foncier, beaucoup de fermiers noirs ne peuvent pas emprunter et finissent par vendre », souligne un économiste agricole.

Pourtant, à Matsamo, la coopération fonctionne. James Chance, ancien propriétaire blanc, dirige aujourd’hui l’une des coentreprises. « Ensemble, nous redonnons vie à ces terres », affirme-t-il. Un succès salué par les autorités, mais qui reste une exception. Loin des polémiques internationales, comme celles déclenchées par Donald Trump évoquant des expropriations massives, la réalité est plus complexe. Ici, personne ne songe à fuir. « Pourquoi partir ? Tout le monde y gagne », lance Shabangu en souriant.

Pourtant, l’ombre des échecs passés plane. Non loin de là, des fermiers noirs, comme Vuso, ont tout perdu après des faillites. « On nous a donné des terres, mais pas les moyens de les faire prospérer », regrette-t-il. Malgré tout, le projet de Matsamo offre une lueur d’espoir. Preuve que lorsque compétences et terres se rencontrent, l’avenir peut germer, même sur les cendres de l’injustice.

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