Des clauses de confidentialité jugées « disproportionnées » entravent la liberté d’expression des anciens collaborateurs des médias du milliardaire français.
Reporters sans frontières (RSF) dénonce une pratique inquiétante dans les médias contrôlés par Vincent Bolloré. Selon une enquête publiée mardi, environ 500 journalistes ayant quitté ces entreprises ont été contraints de signer des clauses de confidentialité, de loyauté ou de non-dénigrement. Ces accords, qualifiés de « disproportionnés » par l’ONG, empêchent les professionnels de s’exprimer librement sur leurs anciens employeurs ou de mener des enquêtes indépendantes sur des sujets liés à ces groupes.
Ces clauses, introduites à partir de 2016, coïncident avec la prise de contrôle par Bolloré de plusieurs médias, dont Canal+, CNews, Europe 1, Paris Match et le Journal du dimanche (JDD). Bien que les journalistes aient pu bénéficier d’indemnités de départ, ces avantages étaient conditionnés à l’acceptation de ces restrictions. Plusieurs témoignages recueillis par l’AFP en 2023 confirment cette pratique.
Les groupes Canal+ et Lagardère News, propriétaire du JDD, ont refusé de commenter ces allégations. De son côté, Prisma Media, racheté par Vivendi en 2021, a nié toute influence de Bolloré sur l’évolution de ces clauses, affirmant qu’aucune demande en ce sens n’avait été formulée par le groupe.
RSF reconnaît que ces clauses sont courantes en droit du travail, mais souligne leur caractère problématique dans le journalisme. Thibaut Bruttin, directeur général de l’ONG, estime qu’elles menacent le droit à l’information en limitant la liberté d’expression des journalistes. Un exemple récent illustre cette situation. En février 2024, le journaliste d’investigation Jean-Baptiste Rivoire a été condamné à verser plus de 150 000 euros à Canal+ pour avoir enfreint une clause de non-dénigrement. Cette sanction faisait suite à des propos tenus dans un documentaire de RSF sur « le système Bolloré ».
Maxime Saada, président de Canal+, a défendu cette décision, arguant que Rivoire avait accepté une indemnité en échange de son silence. Cette affaire soulève des questions cruciales sur l’équilibre entre les droits des employeurs et la liberté de la presse, un débat qui reste plus que jamais d’actualité.