Des montagnes de déchets métalliques empoisonnent l’air, l’eau et la santé des habitants, sans réponse des autorités.
Au cœur de l’Albanie, l’ancien complexe sidérurgique d’Elbasan incarne le lourd passif environnemental laissé par l’ère communiste. Jadis symbole de puissance industrielle sous le régime d’Enver Hoxha, le site est aujourd’hui un désastre écologique. Des centaines de tonnes de résidus toxiques s’y entassent à ciel ouvert, contaminant les sols, les cours d’eau et l’atmosphère.
Fermé lors de la chute du régime dans les années 1990, le site a partiellement rouvert après privatisation. Seule une poignée d’usines fonctionnent encore, employant 1 500 ouvriers au milieu d’un paysage de ruines et de détritus. Les bâtiments abandonnés ont été pillés, laissant derrière eux des matériaux polluants et des métaux lourds. Malgré les dangers, des habitants fouillent ces déchets pour survivre, exposés à des poussières nocives.
Les analyses révèlent des concentrations alarmantes de plomb, de nickel et de chrome, dépassant jusqu’à trois fois les seuils européens. L’Agence nationale de l’Environnement a classé la zone comme hautement risquée, soulignant la contamination du fleuve Shkumbin, essentiel à l’agriculture locale. Pourtant, aucune action concrète n’a été engagée pour dépolluer le site.
Les nouvelles usines en activité aggravent la situation. Beaucoup négligent les normes environnementales, coupant leurs systèmes de filtration dès que l’attention se relâche. Les relevés officiels sur la qualité de l’air sont inexistants, laissant libre cours à des pratiques opaques. Les rejets industriels s’infiltrent dans les terres cultivées, introduisant des substances cancérigènes dans la chaîne alimentaire.
Les conséquences sanitaires sont dramatiques. Les cas de maladies génétiques et de cancers augmentent, touchant particulièrement les enfants. Le bétail et les cultures subissent aussi les effets de cette pollution chronique. Face à l’inaction des pouvoirs publics, les déchets s’accumulent, quand ils ne sont pas exportés illégalement. Un récent scandale a révélé l’envoi de conteneurs non déclarés vers la Thaïlande, finalement rapatriés après une alerte.
Malgré les enquêtes ouvertes, les déchets toxiques restent stockés sur place, menaçant toujours les populations et les écosystèmes. L’absence de transparence et de volonté politique condamne Elbasan à vivre avec ce poison hérité du passé.